L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Ultra défi 2017 : Une aventure intense

Novembre 2017 » Voyages » Par Vincent Nadon, étudiant de doctorat, Étudiant au sein de la chaire de recherche industrielle CRITIAS

Image pour Ultra défi 2017 : Une aventure intense
 
Mon support Valentin Pintat et moi
Photo fournie par Vincent Nadon

Au mois de février 2017, j’étais à la recherche d’événements cyclosportifs à ma hauteur. Au mois de mars, j’ai entendu parler du défi que Jessica Bélisle s’était lancé sur Zwift par l’entremise du groupe Facebook Zwift Riders. Par la suite, au mois d’avril, Jessica m’a invité pour une ride ensemble. C’est à ce moment qu’elle m’a parlé de l’Ultra Défi. Selon ce qu’elle me racontait, ça me semblait bien un événement dans lequel je me voyais participer. J’ai laissé l’idée mijoter quelque temps.

Je me rappelais que lorsque j’ai fait Montréal – Québec en vélo, avec un parcours de 307 kilomètres en une journée à la fin juin avec un ami, après coup,  je trouvais qu’il me restait encore de l’énergie. Je me suis dit que j’étais alors capable d’en faire plus. J’ai donc cherché des événements d’ultra cyclisme et je me suis dit : « Pourquoi ne pas regarder le parcours de l’Ultra Défi pour me donner une idée ? ». J’avais déjà dépassé la date limite pour l’inscription au défi des 21. Par contre, il me restait encore du temps pour participer à l’Ultra Défi. Alors je me suis lancé, sur un petit coup de tête, pour faire la plus longue et difficile course à vélo au Canada : 1 059 kilomètres avec pas loin de 10 000 mètres de dénivelé positif dans un temps limite de 62 heures autour de la région montagneuse du Saguenay.

J’ai donc eu un mois jour pour jour pour me préparer, avec entraînement intense (et toujours plaisant), réviser la mécanique de mon vélo, préparer mes ravitaillements, préparer l’équipement adéquat et, surtout, trouver un(e) volontaire pour le support qui me suit en voiture lors de l’événement.

Mon ami Sylvain

Le jour du départ, le 18 août 2017,  je suis bien sûr nerveux. C’est mon premier événement « ultra cycliste ». Mon but est simplement de participer et de terminer la course, dans les délais ou non. Avant le départ, je me réchauffe en montant la côte de Chamonix, une courte pente de 10 % de moyenne sur laquelle je me sens à l’aise. Ensuite vient le départ : 5, 4, 3, 2 ,1, et on se lance sur Chamonix. En moins d’une minute, le peloton de tête est formé, et j’en fais partie. Il s'ensuit une longue descente avec des bosses pour sortir de Saint-David-de-Falardeau.

Après avoir roulé seul pendant quelques kilomètres, je vois quelqu’un qui me rattrape. C’est Sylvain St-Gelais. Il m’offre de travailler en équipe, car à deux on est beaucoup plus fort. J’accepte sans hésiter, car je sais que je bénéficierai de son aide contre le vent et je me cherchais justement un « buddy » (compagnon de route).

Sylvain et moi avons franchi beaucoup de kilomètres dans le vent, la pluie et, par la suite, la noirceur. Il m’a transmis son expérience de l’Ultra Défi et donné beaucoup de conseils. De plus, il m’a informé sur sa belle région, le Saguenay, où l’on roulait. Nous nous échangeons nos numéros de téléphone pour se rejoindre le lendemain. Sylvain poursuit sa route alors que je m’arrête pour mon premier coucher bien mérité, à La Tuque.

Je débute le jour deux sans Sylvain.  Mon but du jour : franchir le point de contrôle à la sortie du parc de la Mauricie dans les temps qui sont très serrés. Je croise un petit groupe de l’Ultra Défi sur mon départ. Je m’associe à ce groupe pour quelques kilomètres. Cependant, le rythme est plutôt lent, ce qui me ralentit pour le prochain point de contrôle. Après quelques bosses, je m’échappe discrètement de ce sous-groupe pour atteindre le prochain contrôle dans les temps. J’entre dans le parc national de la Mauricie et on me demande d’arrêter pour que je montre une passe GRATUITE… pour le parc. Je m’arrête, mais en effectuant un virage trop serré, mon pied reste pris dans ma roue et je tombe. Après quelques kilomètres, je ressens de la douleur à un genou, possiblement une blessure suite à ma chute récente. De plus, un de mes couvre-souliers contre la pluie est troué. Et encore plus, j’ai tordu le support de mon dérailleur arrière que j’avais fait ajuster juste avant l’Ultra Défi. Tout ça pour montrer une passe GRATUITE…

Sur la route dans le parc national de la Mauricie, je croise Sylvain Grenier! Il était très épuisé. Il a roulé toute la nuit pour récupérer du temps suite à deux crevaisons et a été malade. Je roule un peu avec lui, mais il préfère me laisser aller. Selon lui, je montais (grimpais) trop vite pour lui. Il y a de belles vues dans le parc, mais le brouillard ne permet pas de pleinement apprécier le paysage. Je poursuis ma route et j’arrive enfin au point de contrôle le plus critique! Enfin soulagé de réaliser cette étape,  je savoure une salade avec un bagel, puis c’est reparti, en route vers Saint-Augustin-de-Desmaures. En cours de route je croise Guildo et Sylvain Grenier qui ont pris une pause plus courte au point de contrôle précédent. Je poursuis avec eux. J’atteins finalement le point de contrôle. Je mange un délicieux hamburger (x2). Je suis informé que Guildo abandonne. Je suis alors troisième au contrôle. Sylvain Grenier repart pour dormir à Québec. Sylvain St-Gelais arrive et m’invite à rouler ensemble pour la soirée à nouveau. Ça tombe bien parce que je veux me rendre à Sainte-Anne pour me trouver un hôtel où dormir. Nous passons par les milles lumières rouges de Québec. Nous voyons les belles chutes Montmorency pour ensuite arriver à LA côte de Sainte-Anne. Sylvain, sur son élan, m’a pratiquement bloqué le chemin sur la montée. Heureusement je lui ai fait signe et il a été capable de poursuivre sans me faire tomber. Mon genou me fait mal, il ne reste plus qu’une longue côte pour rejoindre un lit au pied du Mont Sainte-Anne. À ma chambre, je mets une crème Zincofax qui soulage mes fesses endolories et irritées. Je m’endors rapidement.

Avant d’amorcer la troisième et dernière journée, j’applique une autre crème, Voltaren, qui diminuera la douleur musculaire près de mon genou. De plus, je tente de réparer le problème de câble de dérailleur arrière qui me préoccupe depuis plus de 24 heures. J’hésite entre deux options : changer le câble au complet, ce qui prendra un certain temps ;  le dégraisser de toute la saleté accumulée suite aux jours de pluie que l’on a eue. Finalement, je choisis de le dégraisser du mieux que je peux en sortant le câble de la gaine près du dérailleur.

Je repars alors pour le dernier jour avec beaucoup de motivation, un petit mal de genou, un dérailleur qui devrait aller un peu mieux et un joli brouillard au lever du soleil. Sur le chemin vers Charlevoix, je croise Marie-Pierre et Yvon qui sont encore dans la course. Je poursuis ma montée jusqu’au contrôle de l’étape 7. C’est alors que j’apprends que j’occupe la troisième position, car mon buddy Sylvain St-Gelais a abandonné la course. Je suis attristé par cette nouvelle. Je ne savais pas qu’il était blessé alors que nous avions roulé ensemble. Seul sur mon vélo, j’ai versé quelques larmes sur la route vers le Parc des Grands Jardins, ému par les circonstances et la fatigue qui s'installe.

Le parc des Grands-Jardins

C’est à cette étape (no. 7) que je me démarque, en creusant l’écart avec la 4e position qui est à environ une distance de vingt minutes dans des côtes qui varient de15 à 20 % sur une bonne distance. Je me sens comme Vincenzo Nibali dans le Giro d’Italia, enchaînant les montées et dévalant les pentes avec tant de liberté et de focus. Il fait chaud avec le soleil, mais plus je monte vers le sommet situé à 893 mètres d’altitude, plus il fait froid. J’enfile donc un gilet avec l’aide de mon support pour dévaler les pentes encore plus vite. Je me sens tellement en feu, vivant, concentré. Je vois le splendide paysage autour de moi qui défile à une telle vitesse que j’en suis hypnotisé. Ouf!

N’empêche que j’ai hâte de retrouver du plat pour enfin manger. J’arrive à La Baie (ville de Saguenay). C’est alors que mon câble de dérailleur arrière se déchire! Il ne me reste que 9 kilomètres pour le prochain point de contrôle et environ 78 kilomètres pour atteindre la ligne d’arrivée de l’Ultra Défi (avec environ 980 kilomètres de fait). Rappelez-vous : j’hésitais le matin même entre deux options : changer le câble ou le dégraisser. J’aurais dû prendre l’option la plus sûre : changer le câble! Mon niveau de stress augmente, je traverse la ville sans trop m’arrêter, car je suis maintenant coincé dans un gros ratio de vitesses.  Je me dis si c’est relativement plat jusqu’au point de contrôle je serai donc malgré tout en bonne position. Finalement, des côtes m’attendent encore avant le contrôle. J’en fais une première, une deuxième, la troisième est trop grande pour le ratio de vitesses et je dois alors appeler mon support d’urgence pour changer le câble. Pendant ce temps, le support de Marie-Pierre s’arrête à côté de moi pour tenter de m’aider. Il nous manque une pince coupante pour que je puisse refiler le câble dans le dérailleur en le fixant dans une vitesse qui serait adéquate pour la majeure partie du reste du parcours.

Mon support arrive enfin. On tente de changer le câble, mais sous le stress on n’arrive pas à trouver par où entrer le nouveau câble et comment enlever les résidus de l’ancien câble. Je change alors pour mon vélo mulet, ce qui nécessite de changer de souliers pour les pédales à plateforme. Par contre, avec un vélo à une vitesse en acier ce n’est vraiment pas évident monter des côtes, surtout après un parcours de 980 kilomètres. Je change alors d’idée. Il  faut absolument mettre le nouveau câble de dérailleur. Après avoir retrouvé les instructions pour la manette du dérailleur dans mes boîtes et quelques minutes d’essais et erreurs, nous avons fini par refiler le câble. Pendant tout ce temps perdu qu’on peut estimer à environ 40 minutes, Marie-Pierre me devance de quelques minutes déjà. Aussitôt le câble remplacé, je décolle en flèche à sa poursuite pour tenter de regagner la troisième place.

J’arrive au dernier point de contrôle, je mange rapidement pendant que mon support pose les pièces qui sont manquantes sur ma manette droite. Je m’informe sur les temps : je suis à onze minutes de Marie-Pierre et il me reste 69 kilomètres. C’est alors que je me lance dans le contre la montre de ma vie. Je monte et descends les côtes en prenant des risques, mais pas trop. Je pédale entre 30 et 40 km/h sur le plat. Après un millier de kilomètres, c’est rapide ! Mon support, Valentin,  me met à jour sur les temps : 9 minutes pour la rattraper, 7 minutes, puis 5 minutes. Finalement, je suis à 4 minutes, je la cherche à l’horizon et je ne la vois pas. Si seulement je pouvais la voir, je la rattraperais aussitôt. Je lui proposerais une troisième position ex aequo pour une belle photo à la fin. Mon support dépasse les 5 derniers kilomètres et ne peut donc plus me mettre à jour sur les temps. Je fais quelques dernières petites montées, je ne la vois toujours pas. J’amorce la dernière montée, et elle était là, dépassée la ligne d’arrivée. Bravo Marie-Pierre.  Je termine l’Ultra Défi avec un petit sprint, car il me restait encore de l’énergie.

C’est alors que j’ai compris que l’Ultra Défi n’est pas qu’une question de performance physique, mais surtout d’organisation pendant la course : bien manger, bien dormir, bien se reposer tout en anticipant dans la mesure du possible les bris mécaniques et en prenant les bonnes décisions. Le tout, en roulant avec un bon support. Encore une fois je remercie sincèrement mon support, Valentin Pintat, qui a été une précieuse ressource dans la réalisation de ce défi.

Il va sans dire que l’Ultra Défi m’a sans aucun doute laissé sur ma faim! Ce fut une aventure  intense et excitante, lors de laquelle j’ai vraiment « trippé ». J’ai donc déjà très hâte à l’édition 2018, pour laquelle il y a de fortes chances que je m’inscrive aussi tôt que possible.

Vous trouverez les liens Strava pour mon parcours de l’Ultra Défi 2017 ici : pastebin.com/QaU2cNTV.

N.B. Ce texte a originalement été publié à l’adresse https://pastebin.com/UEqV1edZ le 22 septembre 2017.

 
Mon buddy Sylvain et moi
Photo fournie par Vincent Nadon
 
Mon arrivée au contrôle du Parc National de la Mauricie
Photo fournie par Vincent Nadon
 
À l’entrée du Parc des Grands-Jardins
Photo fournie par Vincent Nadon
 
Parc des Grands-Jardins
Photo fournie par Vincent Nadon