L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Festival International Nuits d'Afrique de Montréal

Septembre 2015 » Culture » Par Charles Prot, étudiant de génie de la construction, membre du club ReflÉTS

Un festival riche en couleurs

Lorsque l’on parle des festivals du mois de juillet à Montréal, on ne cite que trop souvent la même série : les Francofolies, le Festival International de Jazz et le Festival Juste pour Rire. Et pourtant, le mois de juillet à Montréal existe aussi à travers : Montréal Complètement Cirque, le Festival international de films Fantasia, le Zoofest, ou encore le MEG Montréal, pour ne citer que ceux-là. Tous se déroulent autour de la Place des Arts.

J’ai eu la chance de participer à l’un des dix plus gros festivals de l’été à Montréal, fondé il y a trente ans : le Festival International Nuits d'Afrique de Montréal. Habitué aux musiques occidentales, je me suis laissé surprendre par des sonorités inhabituelles, riches et chaleureuses de la part d’artistes extrêmement talentueux venant d’Afrique, mais également des Caraïbes. J’ai choisi de rédiger un résumé de chaque performance auxquelles j’ai pu participer :

Zebda

Le festival a débuté très fort au Métropolis avec le groupe Zebda. Ce groupe s’est fait largement connaître autour de l’an 2000 en rasant une multitude de prix dont meilleur groupe et meilleure chanson aux Victoires de la Musique. Il s’est alors inscrit dans la culture franco-maghrébine populaire en France comme au Québec.

Venu il y a 17 ans à Québec, ce groupe originaire de Toulouse (France) a su réaliser un spectacle à la hauteur des espérances de leurs admirateurs et admiratrices qui attendaient leur retour avec impatience. Sans surprise, ils ont su communiquer cette dose d’énergie les caractérisant si bien.

Le groupe a largement interagi avec le public très motivé et de tous âges pour prendre tout l’espace dans la salle, bien qu’elle n’était pas complètement remplie, dans une rare ambiance de joie et de danse. Motivé, comme si bien chanté dans l’une de leurs compositions, correspondait véritablement à l’état d’esprit des spectateurs et spectatrices à la fin du concert. Les paroles parfois subtiles ou engagées politiquement satisfaisaient les fans qui se retrouvèrent en eux. Les transitions entre chaque chanson furent accompagnées d’histoires rocambolesques, drôles et dignes de comédiens. Musicalement, leur composition en français passe par les styles rock, funk, reggae ainsi que par leurs talents de rappeurs. Grosse surprise pour ma part, puisque j’ai rarement vu des artistes de cette taille capable d’avoir une telle interaction avec le public.

H'Sao

Ce groupe originaire du Tchad a réalisé un concert en deux parties au théâtre Fairmount. La première partie fut orientée vers des chants traditionnels. Chacun des quatre membres donna une véritable personnalité à sa voix afin de créer une atmosphère harmonieuse nous permettant de nous inhiber dans leur culture. Ils furent capables de combler la salle de leur unique voix en s’accompagnant d’une unique guitare. On se retrouve alors plongé dans une Afrique que nous n’avons pas l’habitude de côtoyer : apaisante et plein de paix. Les chansons douces et profondes furent chantées dans différentes langues afin de varier les mélodies, ce qui a confirmé le talent des musiciens à la maîtrise du chant. Les paroles varièrent entre engagements politiques, histoires sentimentales, histoires religieuses et histoires traditionnelles.

L’interaction avec le public sous une attitude décontractée fascinante rendait le spectacle d’autant plus appréciable. Les spectateurs et spectatrices se laissèrent emporter par les voix profondes qui se sont réveillées petit à petit à l’aide de percussions.

La deuxième partie fut particulièrement intéressante à travers la multitude des styles de musique abordés par le groupe : soul, jazz, ou encore reggae à l’aide de grooves laissant les jambes bouger toutes seules. Les voix firent échos à la première partie sur les mêmes thèmes afin de confirmer notre présence en terres africaines. J’ai particulièrement apprécié les variations rythmiques ainsi que le duo basse et guitare.

La nuit de la kora

Ce spectacle s’est déroulé dans la salle Le Gesù. Moins célèbre que les autres salles autour de la Place des Arts, elle offre pourtant des performances acoustiques de qualité.

Durant cette soirée, deux artistes se sont enchaînés sur scène : Diely Mori Tounkara et Djeli Moussa Diawara seulement accompagné de leur instrument : la kora.

Mais alors, qu’est-ce que la kora? C’est un instrument traditionnel d’Afrique de l’Ouest ressemblant à une harpe. Composé d’une caisse de résonance fait en calebasse (fruit sec pouvant atteindre un diamètre d’un mètre) sur lequel vient se placer un manche d’une hauteur moyenne de 1,30 m. Sur ce manche viennent se greffer de 21 à 32 cordes! Comme l’instrument est très ample, les artistes se trouvent assis devant la kora qu’ils maintiennent grâce à deux poignées de chaque côté du manche. Le jeu s’effectue à l’aide des deux pouces à la manière d’une harpe. L’instrument est originalement fabriqué avec des matériaux trouvés localement et les cordes sont souvent des fils de pêche.

Les sonorités tranchent avec les instruments à cordes plus classiques. Le tempo fut assez rapide afin de couvrir tout l’espace avec un seul instrument. Le rythme est joué d’une main et la mélodie de l’autre. Les deux artistes furent en véritable symbiose avec leur instrument.

Le premier musicien Diely Mori Tounkara a su transporter le public dans ses mélodies envoûtantes. Il a également fait part d'anecdotes drôles souvent en provenance de sa vie en Guinée.

Le deuxième musicien a su impressionner les spectateurs et spectatrices avec son instrument à 32 cordes afin de confectionner des mélodies très riches et variées. L’utilisation de pédales à boucle lui a permis de définir une rythmique à chaque début de chanson puis de laisser libre cours à son improvisation. J’ai été fortement impressionné par sa puissante voix capable de varier allégrement selon différentes hauteurs. À la fin du concert, il est rentré dans une véritable transe à tel point qu’un organisateur est venu sur scène pour lui en sortir.

Patrice

Créateur du swaggé, un mélange de reggae, de soul, de blues et de hip-hop. Patrice Bart-Williams de son vrai nom élabore un métissage musical unique caractérisé par un timbre de voix et un style unique qui a permis de donner un concert d’exception au National. Il a littéralement enflammé la salle.

Avec sa réputation maintenant bien fondée, il est habitué à jouer devant des milliers de personnes. Dans une salle qui n'était pas à l'échelle de sa réputation, les fans ont eu droit à un concert de proximité avec des dialogues, anecdotes et blagues non imaginables en Europe. Ce qui ajouta une touche véritablement chaleureuse au concert. Il a lui-même cédé qu'il n'avait pas fait de montage de scène depuis 15 ans. Les chansons se sont enchaînées les unes après les autres à travers des transitions courtes et parfaitement exécutées.

Son répertoire y est passé : de ses débuts, en tant qu’artiste solo à la guitare, jusqu’à son dernier album avec son groupe. Même si ses musiciens n'étaient là que pour la soirée à Montréal, Patrice a su remixer ses propres chansons et parfois les jouer en version longue. La foule très attentive et en bonne connaissance du répertoire fut réactive aux différentes chansons.

Je fus marqué et absorbé par son regard qu’il communiquait à la foule en la fixant intensément pour donner davantage de sincérité de profondeur à ses paroles.

Oktopus

Cette formation se détache des autres artistes du Festival par son style musical, mais si je dois résumer en quelques mots le concert : un déferlement continuel de notes, teintés de rythmiques festives sous une tonalité mélancolique. L’incroyable talent des huit musiciens a soufflé tous les spectateurs et spectatrices présents. Avec leurs mélodies directement inspirées de la musique d’Europe de l'Est, ils ont réussi à créer une formation éclectique et très énergique. La variété des instruments couplés de leurs arrangements créatifs crée une atmosphère complète et subjuguant l’auditoire.

L’invité de la soirée à laquelle j’ai participé fut Paul Kunigis. Grâce à son talent de chanteur et de guitariste, il a réussi à apporter une touche traditionnelle à la musique en plus de nous apprendre quelques mots de polonais.

L’octuor, formé en 2010 par des étudiants de l’UDEM et du conservatoire, s’est distingué en obtenant le titre de Syli d’or en 2014 organisé par les Nuits d’Afrique.

Je voudrais remercier le Festival International Nuits d'Afrique de Montréal, lequel m’a permis de découvrir une musique qui m’était jusque-là méconnue.