L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Le piège

Septembre 2016 » Contributions externes » Par Mayane, collaboration artistique

Image pour Le piège
 
Photo par Mayane
Paysage.

C’était l’été pendant les vacances et, comme toujours, nous avions loué un vieux chalet dans une région sauvage où nous devions passer le reste de la saison. Notre demeure, très modeste il va sans dire, était située en bordure d’une rivière aux eaux brunâtres et abritait une nombreuse famille à laquelle s’ajoutait, depuis peu, une souris au grand désespoir de Maman qui lui avait tendu un piège. Mais l’intruse, très futée, mangeait toujours l’appât sans jamais se faire prendre. Et même Poucette, notre très chère chatte, ne semblait pas être capable de l’attraper, à moins que par une bizarrerie de la nature elle dédaignât ce menu fretin. (Ce qui, à vrai dire, ne serait guère étonnant, étant une chatte extrêmement difficile et, surtout, très gâtée…)    

Un soir, alors que j’étais assise à la fenêtre de ma chambre, regardant un peu plus bas la rivière où dansait une belle lune orangée – il faisait chaud cet été-là – j’entendis du bruit provenant du rez-de-chaussée. Intriguée, je me levai et descendit l’escalier.

― On l'a eue! s’exclama Maman agenouillée devant une armoire de cuisine. Enfin!...

Elle se leva et, satisfaite, alla sur la galerie déposer le piège. De plus en plus intriguée, moi qui n’avais jamais vu de vraie souris sauf à la télé dans une émission pour enfants, je la suivis. La souris était bien là, prise sous la petite barre de fer qui l’étranglait. Elle me sembla alors si désespérément triste, si désespérément belle, qu’aussitôt, je demandai à Maman de la libérer, ce que bien sûr, elle refusa net.

― Mais, insistai-je, on pourrait aller la porter loin, loin…

― Elle reviendrait, répliqua-t-elle. Et mangerait toute notre nourriture.

Déconcertée, je regardai la souris. Elle n’en avait plus pour longtemps maintenant. Alors vite, vite, je me mis à réfléchir, voulant à tout prix la sauver.

― Et si on la gardait dans une cage?

― Ah non! s’exclama Maman. C’est trop d’entretien.

― J’en prendrais soin, Maman ! Promis, juré!

Mais elle me dit que la souris, qui est habituée à la liberté, ne pourrait certainement pas vivre enfermée.

― Elle mourrait de toute façon, ajouta-t-elle doucement.

Du bout des doigts, je caressai la souris qui me semblait si douce. Et même si j’entendis un : « Touche pas, c’est plein de microbes… » je continuai, comme subjuguée, ne sachant plus qui de la souris ou de moi se sentait la plus prisonnière tant j’avais envie, pour une fois, de désobéir à Maman et de libérer cette pauvre petite bête. Mais Maman, qui sans doute devinait mon trouble, me dit : « Allez, va te coucher maintenant. Il est assez tard… »

Et le cœur lourd j’obéis, me sentant triste comme peut l’être une enfant qui avait tout tenté pour sauver une misérable petite souris et n’avait rien pu faire. Rien de rien.