L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Éduquer le ministre de l’Éducation?

Septembre 2014 » Opinions » Par Félix-Antoine Tremblay, étudiant de maîtrise, chef de pupitre de L’Heuristique

Le 13 août dernier, le ministre de l’Éducation y est allé de la déclaration suivante au Devoir :

[La révision de la formule de financement universitaire est] plus dans le but d’avoir une équité dans le financement. Les programmes qui coûtent plus cher vont demander un financement augmenté. Si les facultés de médecine veulent être accréditées, il faut un financement adéquat. [Actuellement], l’argent est pris dans d’autres secteurs […]. Il y a des programmes qui ne sont pas financés à la hauteur.

Il est parfaitement évident que l’on désire une « équité dans le financement » et que les programmes qui « coûtent plus cher » aient un financement adéquat. Cette phrase vide est en soi fort inintéressante, mais elle laisse soupçonner que le ministre ignore que le financement universitaire fonctionne déjà précisément de cette manière. En faisant miroiter que sa « nouvelle » idée est en opposition au système de financement par étudiante ou étudiant, le ministre tente visiblement de se donner de l’importance, car les modifications auxquelles il semble réfléchir sont en fait très simples.

ÉÉTP, ÉÉÉTP et ÉÉÉTPP

Présentement, le financement universitaire provient de plusieurs endroits, mais une partie importante du financement gouvernemental vient d’un calcul qui, sous des apparences bien complexes, est plutôt simple. Pour obtenir le montant alloué, les Étudiants en équivalence au temps plein¹ (ÉÉTP) des différents programmes d’une université sont additionnés, ce qui donne l’Effectif étudiant en équivalence au temps plein (ÉÉÉTP). Ce nombre est ensuite multiplié à un coefficient propre au programme, soit la dernière étape : l’Effectif étudiant en équivalence au temps plein pondéré (ÉÉÉTPP).

Ainsi, il y a quelques mois, l’ÉTS a procédé à un petit tour de passe-passe en augmentant sans la moindre justification le nombre de crédits pour ses stages, les faisant passer de 3 à 9 crédits. Cette augmentation « sans frais » pour la population étudiante, en raison d’un crédit appliqué à la facture scolaire, est toutefois loin d’être « sans frais » pour le gouvernement, triplant littéralement le financement lié aux stages en entreprise, soit de 18 à 24 crédits de plus pour un baccalauréat. Cette augmentation, pour une année standard de deux sessions de 16 crédits et d’un stage, représente une hausse de l’ÉÉTP d’approximativement 17 %.

Équité dans le financement

La solution pour un financement adéquat des différents programmes est donc fort simple, en excluant la solution la plus évidente : une hausse généralisée du financement et des mesures contre le mal-financement universitaire. Cette solution est de modifier la pondération des différents programmes, un travail que les fonctionnaires du ministère de l’Éducation pourraient assurément faire sans que le ministre ait même à s’en mêler, mais à quoi bon un salaire faramineux si on ne donne pas l’air de faire quelque chose de son temps?

Toutefois, il est important de ne pas se laisser berner par ce jeu médiatique, car l’« équité » est bien subjective, notamment dans le contexte d’austérité créé par le gouvernement, puisque le financement est limité. De ce fait, quand le ministre affirme que les programmes de médecine, par exemple, méritent plus d’argent, il faut comprendre que d’un autre côté, les programmes touchant aux sciences humaines, par exemple, en recevront moins. La vision marchande du gouvernement n’a pas changé d’un iota suite au mouvement étudiant de 2012, tout comme celle des universités. Si le conflit s’est réglé à l’usure, le fondement du problème reste intact et le sujet n’a pas vraiment été abordé par la population, restreignant la situation à une simple question de frais de scolarité.

¹ L’équivalence au temps plein correspond au nombre de crédits d’une étudiante ou d’un étudiant par année divisé par 30 crédits.