L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

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Juillet 2016 » Culture » Par Pierre Brochet, collaboration artistique

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Anonyme

 Il dit me voir dans une grande préoccupation du sexe. Son uniforme est encore humide du sang de celle qu’il a frappée, mais lui trouve cela désolant : « Est-ce que ça vaut la peine de se faire mal pour des choses comme ça. De tout façon, c’est bien amusant les voitures. Elles vont trop vites pour être arrêtées par tes seins, câlisse d’hippie gouine mal baisée… Pourquoi tu te mets nue si tu veux pas te faire checker, fuck ?»

J’ai connu Ian au travers d’une application de dating, il y a de cela six mois. Pour des relations de la sorte, on pourrait dire que c’est assez long. Il paraissait plus tendre sur son profil avec son chien saucisse qui, finalement, était mort depuis deux ans – écrasé par la Jeep de son ex; un peu comme sa libido. Il n’en est jamais revenu.

Dans sa main droite, le contenant de comprimés bleus malades, couvert par son assurance, s’ouvre et se ferme au rythme de son pouce nerveux : « Je sais pas ce que j’ai fait. Le gars criait que le char valait plus cher qu’elle. Pis moi, j’étais juste genre Décâlisse parce que c’est la loi. Je sais pas c’est quoi la valeur. C’est ben trop philosophique ces affaires-là… »

Quand je baise Ian, j’ai l’impression de me faire réinventer par le Schtroumpf bricoleur. Je suis le fruit d’une overdose de salsepareille. Ça me fait planer. Les fantômes de ma famille morte me jugent. Au début, mon mari transparent pleurait beaucoup, mais, une fois, je lui ai proposé d’aller cacher les enfants et, depuis, il est comme cet homme qui lit des journaux alors que sa femme se fait empaler par Johnny Sins- plombier agréé- sur les sites du genre Bangmywife : ça l’excite à mort.

Ian sort sa matraque : « Ç’t’avec ça que je l’ai frappée. À l’arrêtait pas de crier Peace and love, peace and love ou quelque chose d’aussi gauche… Si ça avait été ma fille, je l’aurais pas laissée sortir toute nue de même. Je l’aurais frappée comme ça. »

Il lève son bras.

***

-BANANE! BANANE! BANANE!

Je ne cesse de crier Banane, notre safe word. On l’avait choisi en l’honneur de la famille Kong (Didi, Donkey, Crankey, King, etc.) Il ne semble pas s’en rappeler. Le fantôme de mon mari aime vraiment ça. Il ne s’est jamais permis de telles libertés de son vivant. C’est le gros party. Il s’en va chercher les enfants. Ian commence à baver : « Moi aussi, j’ai des sentiments. Je suis pas Goldorak. Je suis un humain. Pourquoi les gens me traitent comme du plastique ? Fuck eux. Fuck toi. »

Tout devient flou. J’ai l’impression que ma tête se répand en parcelles bleus. Mes enfantômes jouent avec. Ils les mettent dans des maisons en champignons. Tous les verbes schtroumpfent. Ce serait beau si Ian-Gargamel n’avait pas trouvé le chemin qui mène au village.

Il me schtroumpfe de plus en plus.

Je schtroumpfe.

 
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