L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

LE HÉROS INVISIBLE

Novembre 2017 » Environnement » Par Raphyskovïa, étudiant de génie des opérations et de la logistique

Dossier exclusif sur le développement durable

INTRODUCTION

Plus petit, nous attendions impatiemment l’arrivée du marchand de sable afin de pouvoir trouver sommeil et pouvoir aller dormir. Aujourd’hui le terme « marchand de sable » a bien changé. Certes, ces nouveaux marchands opèrent lorsque personne ne regarde, mais leurs activités sont bien différentes. Ils opèrent sur les plages récoltant le maximum de sable marin possible afin de pouvoir le transformer en plusieurs fonctions indispensables dans notre ère moderne. Cette richesse granuleuse est dorénavant la nouvelle ruée vers l’or. Ces marchands sont alors des héros, nous fournissant le maximum de sable possible?

Malheureusement non, vidant les plages, fragilisant l’écosystème des régions exploitées et favorisant le crime on ne peut pas qualifier ces marchands de héros.

Le temps est compté, avec de tels constats, bientôt, viendront-ils directement chercher les derniers grains de sable de vos sabliers? Mais quels sont les impacts d’un tel constat sur l’environnement et que faisons-nous contre ce fléau qui s’abat sur nos plages? Doit-on attendre la venue d’un personnage de super héros pour venir nous sauver ou pouvons-nous le faire tous ensemble? Ce texte démontre l’ampleur du défi qui nous attend.

CHAPITRE 1 : engouement du sable

Le sable est le héros invisible de notre époque. Il est la troisième ressource naturelle après l’eau et le vent. Ils composent jusqu’à 180 minéraux différents. Forcément, sa composition dépend du type de roche érodée dans l’environnement, d’où la grande variabilité de la composition des types de sable. Le plus prisé par l’industrie est le sable contenant au moins 98 % de silice, communément appelé le quartz. Cet élément élémentaire constitue un des principaux fondements des temps modernes. Ces champs d’application dans l’industrie sont multiples. Le plus grand consommateur de sable est le secteur de la construction. Les deux matériaux dominants sont le verre et le béton armé. À l’échelle planétaire, ce sont les 2/3 des projets de constructions qui sont en béton : les bâtiments, les routes et les ponts. La course au sable a pris un essor fulgurant vers la fin du 19e siècle lorsque le béton armé a fait son apparition dans le paysage des matériaux de construction, créant ainsi un nouvel espace de créativité pour les architectes. Il est devenu le matériau de prédilection grâce à ses performances techniques, son faible coût carrément dérisoire quant aux ressources naturelles qui le compose versus les autres types de matériaux et enfin sa disponibilité. Le béton se compose généralement de 2/3 de sable et 1/3 de ciment. On retrouve dans celui-ci du calcaire à 80 %, de l’argile à 20 % et d’une infime partie de gypse.

Ensuite, il y a le secteur de l’informatique et des technologies où l’on rencontre le dioxyde de silicium dans les composés électroniques. Par ailleurs, en Californie plus précisément à San Francisco, il y a environ 6 000 entreprises de haute technologie située dans la Silicon Valley : une nomination régionale qui doit son nom aux innovations technologiques disruptives! On retrouve également le dioxyde de silicium dans le vin, la lessive et détergent, papier, aliment déshydraté, dentifrice et certains cosmétiques. La planète aujourd’hui se voit plus que jamais dépendante économiquement de cette ressource naturelle non renouvelable, elle est « comme l’air, on n’y pense pas, mais on ne peut pas vivre sans lui. »

Un autre phénomène vient s’ajouter à la demande croissante en sable, soit celle de la création de terre-pleins. L’expansion des terres sur la mer par remblaiement gagne en popularité ou devient une nécessité dans certaines régions du monde. Depuis quelques décennies, les populations ont tendance à migrer de nouveau près de l’eau. On estime que d’ici 2030, les ¾ des habitants vivront à proximité des océans. Considérant l’augmentation de la population mondiale et plus particulièrement dans certains pays du monde tel que la Chine, l’Afrique et l’Inde, les terre-pleins deviennent une option envisageable pour la survie du pays. On note également l’apparition des îles artificielles pour des raisons géoéconomiques. Mais d’où provient tout ce sable?

CHAPITRE 2 : la formation du sable

Dans le domaine de la géologie, cette matière minérale que l’on appelle le sable se nomme une roche meuble. Elle provient des roches sédimentaires de type détritique qui compose environ 90 % des continents. Elles se désagrègent par l’influence du cycle de l’eau en formant des grains de sable que l’on appelle l’érosion. Avant d’atterrir sur les plages et pour certain de poursuivre leur voyage dans l’océan, ils parcourent des milliers de kilomètres en amont au travers les cours d’eau avant leur arrivé dans l’estuaire. La formation des plages est constituée principalement de ce phénomène naturel. Cependant un événement historique vient expliquer un apport important quant à la quantité de sable sur celle-ci. Il y a 14 600 ans, la planète s’est réchauffée de 10 degrés brutalement et la fonte des glaciers a augmenté le niveau des mers de 120 mètres en 350 ans. Par conséquent, la mer a entraîné avec elle le sable et les galets qui se sont accumulés sur le plateau continental pendant des milliers d’années. Or, aujourd’hui la source principale du sable provient uniquement de la dégradation des roches qui viennent s’accumuler à la quantité de matière minérale qui date de la dernière glaciation.

Par ailleurs, la formation des plages d’aujourd’hui est la résultante de ces deux phénomènes. Quant aux profils des plages, elle se caractérise par la dérive littorale; un mouvement de matière le long du littoral provoqué par les vagues, le vent et les courants. La rencontre de la houle avec le littoral se fait en biais à la plage et recule vers la mer perpendiculaire à celle-ci. Cette caractéristique du mouvement de la houle transporte les grains de sable selon deux trajectoires, soit la dérive littorale ou elles entraînent avec elle lors du ressac les grains de sable à une profondeur critique pour réalimenter la plage, soit à 15 mètres; une situation critique et alarmante pour la sauvegarde de cette bande protectrice.

À l’heure actuelle, le bilan entre les arrivées et les départs de grain de sable est négatif. Le reflux des vagues prend une quantité beaucoup plus grande qu’elle en dépose sur les plages. Également, deux autres phénomènes provoqués par l’activité humaine résultent d’une difficulté majeure à acheminer les alluvions fluvio-marines aux estuaires par les cours d’eau est la création des barrages électriques vers la fin du 19e siècle : on estime que ¼ des réserves de sables sont en otages.

De plus, l’extraction du sable dans les lacs et rivières par le passé s’ajoute aux problèmes environnementaux causés par l’homme. Donc, le profil des plages change par ces nouveaux dynamismes environnementaux et par conséquent la protection de l’arrière-pays.

CHAPITRE 3 : extraction du sable et ses conséquences 

L’exploitation du sable a été expérimentée par le passé dans les rivières et les lacs causant des bouleversements majeurs sur les écosystèmes et les communautés, ce qui a amené les gouvernements à prendre position en légiférant pour la préservation des rives. La solution à ce problème environnemental n’a fait que déplacer le problème ailleurs. La création de carrières à ciel ouvert pour le prélèvement du sable fut florissante pour une courte période, car au fil du temps elles se sont vues vidées ou ils ont carrément fermé pour des raisons esthétiques d’urbanisation ou il y a eu apparition de problématiques environnementales dans l’air et les sols. En somme, une solution temporaire et dommageable pour l’environnement.

Qu'en est-il des réserves de sable dans le désert? Malheureusement, pour le domaine de la construction ce type de sable est impropre. Par son profil très arrondi, brasser par le vent, ne lui confère point les performances techniques désirables pour la réalisation d’un béton armé de qualité et à la création des terre-pleins. La demande actuelle en sable atteint des quantités monstres avoisinant les 15 milliards de tonnes par an. À titre d’exemple, il faut en moyenne 3 mille tonnes de sable pour construire un hôpital, 30 mille tonnes pour chaque kilomètre d’autoroute et 12 millions de tonnes pour une centrale nucléaire. Les pays sont à court de réserves sur les continents et se penchent donc vers l’exploitation du sable dans l’océan : élément fondamental des écosystèmes marins. Cette avenue s’est développée dans les années 1970 aux Pays-Bas en raison de leur topographie. Ils sont aujourd’hui la référence en technique d’ingénierie afin de contrer les inondations.

L’extraction se fait à l’aide d’une technique appelée le dragage. Un navire muni de deux bras à succion qui ratisse les fonds marins. Par exemple, une drague de grande capacité, soit de 30 000 m3 travaillant à temps plein peut déplacer jusqu’à 3 000 000 m3 par mois, soit l’équivalent d’une piscine de 30 000 m2 et de 3 mètres de profondeur. En 2017, a plus grosse drague à élinde traînante est le Christophe Colomb de l’entreprise Belge, Jan de Nul, ayant une capacité d’emport de 46 000m3. L’investissement d’une drague s’évalue de 20 à 150 millions d’euros. Une technique exploitation très coûteuse, mais rentable à la vente de la matière première puisque celle-ci est quasi gratuite d’un point de vue économique. En 2013, on pouvait déjà compter des milliers de dragues qui ratissent le fond des océans. On extrait dans le monde entier environ 75 millions de tonnes de sable marin par an. Le prélèvement de se sable creuse les fonds et a pour conséquence de changer la topographie et les courants marins et inévitablement le littoral situé plus haut.

On constate que 75 à 90 % des plages reculent en raison d’un manque d’apport en sable venant des cours d’eau, la montée des eaux, les conditions météorologiques s’aggravant et le dragage. Cette situation ou problème semble répondre à la problématique de la diminution de la bande protectrice de l’arrière-terre. Cependant, le remblayage tel qu’exploité présentement est un massacre pour les écosystèmes halieutiques et le littoral à long terme; les dragues aspirent des niveaux trophiques importants dans la chaîne alimentaire, tout en modifiant la topographie marine et par conséquent les courants marins. Également, le sable pompé dans l’océan pour le remblai sur le littoral tend à moyen terme venir se déposer dans les profondeurs marines, entraînant un cycle perpétuel très coûteux sur le plan socio-économique et environnemental. Donc, le bilan négatif croissant entre l’arrivée et les départs des grains de sable sur la plage est alarmant. Le littoral se fragilise et sa capacité à résister aux intempéries climatiques est atteinte. D’autant plus que l’on prévoit une hausse du niveau d’eau d’ici 2100 de 1 à 1,5 mètre dû à l’augmentation des GES d’origine anthropique.

Avec une population mondiale en croissance, la demande utilitariste en sable bat des records et les enjeux environnementaux amènent au plan géopolitique une nouvelle guerre entre les différentes organisations économiques. Également, nous faisons face à l’apparition d’une contrebande de cette ressource en déclin suite aux nouvelles législations mise en place par certains pays. À Tanger au Maroc c’est 45 à 50 % de la ressource qui est volé. Actuellement, le sable est une ruée vers l’or. Étonnamment, considérant la crise du sable et ses impacts environnementaux alarmants pour la survie de la biosphère à moyen terme. Il n’apparaît pas explicitement comme un enjeu environnemental majeur auprès de l’Organisation des Nations Unies ainsi que dans les objectifs de développement durable n° 14 : vie aquatique. Pourtant le principe de préservation[1] est bafoué tout simplement parce qu’une minorité des riches forme souvent la base dirigeante du pays où actuellement les dégâts se font sentir.

CHAPITRE 4 : monopole asiatique

 4.1 La grande muraille de sable

Cette région qu’on retrouve définit en mer de chine méridionale est une appellation de la République populaire de Chine quelle désigne de façon impérialiste depuis 1956 et donc la traduction aurait dû être la grande muraille d’îles corallienne. On y retrouve environ 200 d’îles rocailleuses pour la plupart inhabitables. La chine revendique ses droits territoriaux comme zone d’exportation exclusive ZEE sur des bases historiques. Les conflits territoriaux sur les droits ZEE sont depuis des années contestées par la chine et les pays voisins tels que le Viêt Nam, les Philippines, Taiwan, Malaisie, Brunei, l’Indonésie et par l’UNCLOS III. Derrière ses revendications se cachent des motifs nationalistes et plus particulièrement économiques. En 2013, afin de renforcer sa politique impérialiste dans la mer méridionale, elle a construit sept îles artificielles dans l’archipel Spratleys en remblayant des récifs situés à 1 mètre sous le niveau de la mer par la technique de dragage pour y créer des bases militaires. Ces nouvelles îles servent au renforcement de l’hégémonie de la république et à une main mise sur des gisements pétroliers. Également, il faut rappeler que la mer sert de corridor pour les transits maritimes; c’est 1/3 de l’ensemble du commerce maritime mondiale qui passe par cette route. Donc, l’archipel des îles de Spratleys et des îles de Paracels lui assure un contrôle sur l’approvisionnement des économies. Par exemple : pour remblayer le total de 13,5 km2 de ses 7 îles artificielles, la Chine a dû détruire le volume équivalent de récifs environnants avec une gante foreuse, Tian Jing Hao, construit en Chine avec une capacité de 50 millions de m3. Depuis quelques années, d’importants travaux d’infrastructure ont eu lieu sur l’île Woody Island dans les Paracels suite à son remblai : des routes, un aéroport avec une piste de 2 700 mètres de long pouvant accueillir des Boeing 737, un hôpital, une école pour les enfants des soldats, une mairie et même deux musées qui servirait de propagande.

La Chine est pointée du doigt par les pays voisins pour la destruction d’une zone très riche en ressources halieutiques sans compter la surpêche.

4.2 Singapour et ses alentours

Cette cité-État est un produit de l’empire colonial. La stratégie navale du détroit de Malacca mise en place entre 1880 et 1919 a permis à cette île d’être aujourd’hui l’une des plus importantes voies de navigation au monde. Elle relie l’océan Indien et l’océan Pacifique et les pays les plus peuplés tels que l’Inde, l’Indonésie, le Japon et la chine. On y transite la moitié du pétrole dans le monde. Également le détroit de Malacca sur le plan international possède le deuxième port en importance après Shanghai. Son essor économique est particulièrement dû à l’arrivée du Partie d’action populaire suite à son indépendance en 1965. Un parti politique qui se rapproche de l’autoritarisme et donc d’une économie est centré sur le libéralisme. L’économie de marché de ce pays est reconnue comme un modèle de réussite. Singapour devient une plaque tournante sur le marché économique et, par conséquent, le besoin d’une main-d’œuvre spécialisée, particulièrement en haute technologie, se fait sentir et attire également des riches investisseurs. Le pays réussit à créer la Suisse de l’Asie. Son économie et sa qualité de vie augmentent grâce au taux d’immigration. Cette année, elle se trouve au deuxième rang en termes de densité de population. Tout compte fait, la problématique de l’espace vitale pour la population grandissante face à un essor du commerce international force le pays à trouver des solutions, dont les terre-pleins, des gratte-ciel et des polders. La cité-État s’est agrandie de 130 km² sur la mer, ces quarante dernières années, soit 40 % de plus de sa superficie initiale et l’on peut prévoir jusqu’à 100 m3 de plus jusqu’en 2030.

L’approvisionnement en sable chez les pays voisins a permis de constater en quelques années les problèmes environnementaux sur la biodiversité aquatique. Donc, la Malaisie, le Cambodge et le Vietnam ont interdit leur échange. Alors, l’Indonésie un archipel l’île remplie de sable est devenue le fournisseur. Elle lui a acheté des milliards de tonnes de sable avec des conséquences irréversibles sur la région. Paradoxalement, elle dépendait à la fois de l’économie du sable et de la pêche traditionnelle. À ce jour, ce sont 25 îles qui ont disparu, et ce sans compter la disparition des animaux, plantes, organismes vivants par le dragage sauvage. Ce n’est qu’en 2007 que l’Indonésie se rajoute aux pays voisins interdisant l’extraction du sable. L’offre et la demande étant perturbées, c’est l’importation illégale ainsi que la création de compagnies fictives qui contrôlent la ressource sous l’égide de grandes entreprises multinationales et des mafias locales. Par conséquent, les lois mises en place ne sont tout simplement pas été appliquée.

CHAPITRE 5 : Dubaï et la démesure immobilière

La région des Émirats, ancienne colonie de l’Empire britannique, vivait principalement d’une économie basée sur la pêche et de la perliculture jusqu’à la découverte du premier gisement de pétrole à Abou Dabi et qui aujourd’hui contient 8,6 % des réserves mondiales. Les 7 Émirats se sont rassemblés en 1971 pour leur indépendance et depuis ils connaissent un boom économique et démographique saisissant. Leur économie repose principalement sur l’industrie pétrolière et gazière représentant en 2012, soit 25 % du PIB. La structure politique des Émirats arabes unis est une monarchie héréditaire que l’on peut qualifier d’autocratique. Cependant, chaque émirat est en droit de choisir sa stratégie socio-économique avec ses redevances pétrolières. C’est dans ce contexte économique que Dubaï emprunte la voix de la démesure architecturale. Désirant devenir un pôle touristique de renom et ayant un budget mirobolant, l’émirat prend son envol dans les projets d’urbanisation stupéfiante. Également, il est à noter que Dubaï n’a pas de taxe, ce qui ouvre la porte aux paradis fiscaux; un apport budgétaire qu’elle réinvestit dans ses projets de construction ultramoderne. En 2001, un projet de terre-plein voit le jour à l’allure architectural d’un palmier géant sur mer. Terminé en 2007, il aura coûté plus de 12 milliards de dollars et il aura consommé plus de 150 millions de tonnes de sable pompé. Ces îles artificielles construites au détriment de l’environnement sont maintenant classées 8ième merveilles du monde. En parallèle avec la construction du Palmier Géant, un autre projet qui n’a jamais vu le jour est celui que l’on surnomme The World. Un paradis formé d’îles qui a été abandonné en 2008 après la crise financière. Celui-ci aura battu des records en remblayage, car ce sont 300 îles artificielles qui ont coûté 14 milliards de dollars et une consommation de sable estimée à 3 fois celle du Palmier Géant.

Cette folie des grandeurs et de la démesure n’est pas sans rappeler le Burj Khalifa. Cet édifice est la plus haute tour au monde et peut accueillir jusqu’à 35 000 personnes et qui paradoxalement, possède un taux d’occupation d’environ 10 %. Sa construction a nécessité plus de 330 000 m3 de béton armé. Cette vision économique centrée sur le tourisme de luxe implique également un aéroport international gigantesque qui peut accueillir jusqu’à 70 millions de passagers depuis 2007 et jusqu'à 26 Airbus A380 pouvant être relié en même temps au terminal.

Dubaï se veut la destination de choix pour les touristes et les affaires en leur proposant une cité sophistiquée, moderne, voire futuriste, d’un point de vue architectural. Paradoxalement, la ressource en sable ne provient pas du désert qui se trouve à proximité, mais bel et bien de l’Australie. Il existe 3 500 sociétés australiennes qui exportent du sable dragué des fonds marins vers la péninsule arabique. Un autre cas où un pays se fait dévorer ses ressources naturelles aux prises dans une impasse de dépendance économique au sable au détriment de son environnement. Les conséquences environnementales sont similaires pour le littoral, ses ressources halieutiques et le bouleversement des courants causé par l’activité de l’homme.

Les Émirats arabes unis appréhende la baisse en ressources pétrolières – leur pilier économique - par conséquent cette éventuelle contrainte force les émirats à migrer vers des innovations des développements durables s’ils veulent garder leur statut économique. Un pilote d’une écocité de Mascar est en cour et leur sert de laboratoire pour concevoir les futures villes durables.

CHAPITRE 6 : SOS en Baie de Lannion

La France consomme en moyenne 450 millions de tonnes de granulats pour satisfaire ses besoins dans le secteur de la construction. À l’échelle ce pays, cela peut représenter 7 tonnes de granulat par an pour chaque habitant, soit 20 kilos par jour. Actuellement, la principale source de granulat se trouve dans des carrières terrestres. Encore aujourd’hui on prélève plus de 100 millions de tonnes de sables alluvionnaires par année et la mer en fournit 7 millions de tonnes par an tel le sable coquillier de la baie de Lannion. Source de polémique, elle n’est pourtant pas convoitée pour le secteur de la construction, mais plutôt pour la diminuer l’acidification des terres agricoles par sa forte concentration en calcaire. Il faut comprendre que l’agriculture en France bénéficie d’une géographie et d’un climat des plus propice pour le développement de cette importante activité économique. La France est le premier pays agricole de l’Union européenne avec 18 % du produit agricole et agroalimentaire européen (cela représentait un peu plus de 72 millions d’euros en 2006). L’agriculture occupe entre 50 et 75 % de la surface de la France métropolitaine et les environs 1,8 million de personnes travaillent dans ce secteur de l’économie. Devant l’importance de ce secteur, c’est en avril 2015 que le président français, ancien ministre de l’Économie, a signé un décret permettant à Compagnie armoricaine de navigation (CAN) l’extraction de ce sable sur une période de 15 ans. Le volume extrait ainsi que la surface par année sur laquelle porte la concession a été statué un volume n'excédant pas 250 00 m3 par an et ne doit pas dépasser 1,5 km2 par an dans la zone de 4 km2.

Le projet minier est fortement revendiqué par la population de la Baie de Lannion et ses communautés voisines et par le collectif « Le peuple des dunes en Trégor » regroupant plus de 15 associations. La première source d’inquiétude des opposants est que « La turbidité assombrit l’eau. Le sable soulevé par l’élinde va aller se déposer bien au-delà de la zone d’extraction, ce qui risque de tuer la végétation. » De plus, on retrouve dans ce milieu halieutique la zone de reproduction et de refuge des lançons, poissons qui forment le début de la chaîne alimentaire. Ce recours est également appuyé par la ministre de l’Environnement de l’époque, Ségolène Royal, affirmant que «la réglementation n’[a] pas été appliquée, notamment l’évaluation des dégâts environnementaux sur la baie de Lannion »[2]

Après 6 ans d’une lutte sans relâche et plusieurs manifestations, une table de conciliation entre les opposants et le ministre de l’Économie et des Finances a eu lieu le 30 août 2017, mais aucun engagement de la part du gouvernement n’a été pris. La compagnie CAN a cependant suspendu ses activités jusqu’en novembre afin de calmer les tensions sociales.

CHAPITRE 7 : Floride la destination balnéaire

En Floride, le tourisme et les plages sont les piliers de l’économie, malgré tout, neuf plages sur dix sont en voie de disparition et occupe la moitié du PIB. Certaines villes se voient menacées et forcées de réagir. Ces villes inquiètes investissent de grandes sommes dans des tentatives de renflouages par la technique de dragage. Malheureusement, cette solution ne dure pas, car la mer reprend le sable et le ramène avec elle. Le dernier investissement pour renflouer une plage a coûté plus de 17 millions de dollars pour voir le résultat nul l’année suivante. Les sociétés d’ingénierie côtière tentent de justifier de grand investissement pour ériger ces plages et renflouer cette protection naturelle. Les barrières artificielles érigées contre les tempêtes sont très coûteuses et elles non plus ne durent pas. Sachant que la Floride a été frappée par l’ouragan Irma, qui a entraîné un exode du quart de la population floridienne; aurait-elle pu être atténuée par la présence des plages bien garnies. On pourrait toujours draguer le sable d’une autre plage, mais c’est la deuxième qui en écopera; est-ce qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras?

Également, sachant que la grande majorité des plages sont menacées par les catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, leurs disparitions seraient fatales pour l’économie entière de cet état qui dépend majoritairement du secteur touristique. Malgré les efforts et les techniques pour remplacer le sable sur les plages, leurs disparitions semblent évidentes, mais se concrétisent petit à petit. Pourtant tous les signes démontrent qu’en Floride, le sable est primordial et pourtant; les élites locales semblent pratiquer l’art de la fuite en avant!

Pour freiner la disparition du sable et diminuer les conséquences immédiates, les ingénieurs responsables de la sécurité et du maintien côtier préconisent la construction de digue ou encore de brise-lames, sachant bien que la véritable source du problème n’est pas résolue. Une méthode beaucoup plus porteuse sur le plan de développement durable se trouve dans la restriction des quantités prises ainsi que dans une réglementation et punition plus sévère à ce qui a attrait à l’extraction de la ressource.

CONCLUSION

La planète dépend du sable tout comme nous dépendons aussi du sable. Il est omniprésent dans nos vies. Son usage dans la fabrication de matériaux en fait une ressource de prédilection des temps modernes. Son faible coût ainsi que sa disponibilité en fait paradoxalement une ressource en déclin. Le pillage à outrance sans regard aux impacts écologiques en fait un problème environnemental de premier plan au même titre que les GES liés à l’activité humaine. En effet, on peut constater que l’utilisation de la ressource est très diversifiée, mais les conséquences de notre mauvaise gestion de la ressource sont les mêmes pour l’environnement. L’extraction du sable en fond marin devient un facteur qui s’ajoute à l’équation du réchauffement climatique. Elle a pour conséquence de diminuer la fonction première des plages, soit de protéger l’arrière-pays des catastrophes naturelles. Elle bouleverse les courants marins et appauvrir les milieux halieutiques en détruisant leurs écosystèmes. Comme nous l’avons vu, l’état a une grande part de responsabilité quant à sa gestion puisqu’il est le premier consommateur pour la construction des barrages, des bâtiments, des ponts, des routes, des terre-pleins, des îles artificielles et le renflouage des plages. Présentement, les politiques internationales qui encadrent l’extraction du sable sont inexistantes. À l’échelle planétaire, on retrouve plusieurs efforts segmentés pour lutter contre cette surexploitation, mais le monopole industriel ainsi que les techniques de construction sont un frein pour l’application de normes environnementales.

Est-ce sans issu et devons-nous baisser les armes face à cette fatalité qu’est la disparition de nos plages et de cette ressource inestimable. Pourtant la convention des Nations unies aurait le pouvoir de modifier les règles et de conscientiser ces membres face à ce braconnage des temps modernes. Selon la convention des normes des droits de la mer, Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), l’association en question possède le droit sur les frontières maritimes en ce qui a attrait aux mers territoriales, aux zones économiques exclusives et du plateau continental. En d’autres mots, elle gère l’exploitation des ressources de la mer telles : les ressources vivantes, les ressources du sol et du sous-sol. Afin de faire respecter les lois, l’association a créé le tribunal international du droit de la mer avec néanmoins les résultats que l’on connaît.

Certains pays avant-gardistes, tel le Danemark, se sont dotés en 1990 d’une taxe salée sur les matières premières extraites telles que le sable, le gravier, le caillou, la tourbe, l’argile et le calcaire. Cette mesure visait à favoriser l’utilisation de produits recyclés en construction. Depuis lors, de nouvelles méthodes de construction ont émergé et les sources d’approvisionnement ont changé faisant passer de 12 % en 1984 à 94 % en 2004 les déchets de construction et de démolition recyclés. Cette mesure s’installe également dans une vision étatique d’écologie industrielle. C’est grâce à la ville de Kalundborg, pionnière du concept, qu’une majorité d’industries s’approvisionnent des rejets de ses voisins industriels afin de minimiser les besoins. Ce modèle représente bien le développement durable par l’entremise d’actions concrètes prises par le système étatique.

Il est intéressant également de constater que les Pays-Bas, la référence en technologie du dragage, se tourne vers des solutions où la philosophie est de construit avec la nature. Un nouveau projet qui s’échelonne sur plusieurs années commence à porter fruit. Le projet Sand Motor est une technique permettant de renflouer les plages et les côtes grâce à la science de l’écologie. Plusieurs acteurs sont impliqués dans l’étude de ce projet pilote qui, cinq ans plus tard, donne de très bons résultats. D’ailleurs, plusieurs pays tels que la Belgique, la France, la Chine, les États-Unis sont intéressés par ce projet et éventuellement cette nouvelle approche de construire avec la nature pourraient devenir un produit d’exportation pour les Pays-Bas.

Cette initiative et ce leadership politique peuvent-ils paver la voie vers une meilleure utilisation d’une ressource stratégique pour nos sociétés? L’auteur de ce dossier le croit, mais comme dans le cas du sable, ou des GES, la véritable bataille à livrer se trouve au niveau de l’attention médiatique et de combattre l’affaiblissement des consciences des questions environnementales.

[1] Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États, selon leur capacité. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement (Principe 15 de la Déclaration de Rio sur l’environnement du développement – Organisation des Nations Unies, 1992)

[2] liberation.fr/futurs/2017/09/02/extraction-de-sable-a-lannion-un-dossier-bien-embourbe_1593250, 2 septembre 2017, En ligne le 7 octobre