L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Chinook ÉTS

Mai 2018 » Clubs étudiants » Par Nicolas Côté, étudiant de génie mécanique, directeur technique, Chinook ÉTS

Image pour Chinook ÉTS
 
Véhicules en file d’attente derrière la ligne de départ
Chinook

Le club Chinook est un club relativement jeune comparé à d’autres clubs bien établis comme le véhicule solaire, la formule SAE ou le BAJA, lesquels sont répandus dans pratiquement toutes les universités techniques du monde. Il est donc normal que plusieurs d’entre vous ne sachent pas exactement ce que l’on fait chez Chinook. Quand je parle à des gens à l’université, je décris souvent le Chinook comme étant « la voiture avec la grosse hélice qui traîne dans le A ». Je vous invite à lire le reste de l’article afin de démystifier un peu la chose! On va d’abord commencer par le « où » et le « comment » de la patente avant de tomber dans des discussions philosophiques!

La compétition

Lancé en 2009, Chinook ÉTS est un club scientifique qui a pour but de concevoir et fabriquer un véhicule qui utilise un vent de face comme seule source d’énergie pour la propulsion. Chaque année l’équipe participe à la compétition Racing Aeolus, une compétition organisée par la fondation néerlandaise Wind Energy Events. La compétition se tient sur le bord de la mer du Nord aux Pays-Bas dans la ville de Den Helder.

La compétition se tient sur trois jours et elle est jugée selon quatre événements : un événement statique de design et trois événements dynamiques (l’endurance, la course la plus rapide et le drag race).

L’événement statique constitue une compétition de design entre les équipes. Dans cet événement, chaque équipe prépare une présentation technique de son véhicule. Chaque équipe vote ensuite pour le véhicule le plus innovant. La compétition de design compte pour 23 % de la note finale.

Avant de passer plus loin aux événements dynamiques, on va d’abord expliquer comment la performance est mesurée. Étant donné que les conditions de vent ne sont pas identiques d’une course à l’autre, une mesure de vitesse ne suffit pas, c’est-à-dire qu’une équipe ayant des conditions de vent plus favorables ira nécessairement plus vite. De ce fait, la performance ne se calcule pas en kilomètre par heure, mais en pourcentage. Pour ce faire, des stations météorologiques sont placées tout au long du parcours de 500 mètres et mesurent la vitesse du vent perçue par un véhicule lors d’une course. La vitesse du véhicule est ensuite divisée par la vitesse du vent mesurée par les stations météorologiques. Un ratio « d’efficacité » est calculé. En 2017, l’équipe de Chinook 7 a effectué un record de 102,45 % d’efficacité. Non, l’équipe n’a pas inventé l’énergie perpétuelle, le véhicule a seulement filé plus vite que le vent qui l’a alimenté!

Au cours de la compétition de trois jours, les équipes se mettent en file derrière la ligne de départ. Une fois le départ lancé, les équipes disposent de 100 mètres pour accélérer et atteindre une vitesse de croisière, la vitesse des véhicules est ensuite mesurée sur le parcours de 500 mètres. Les équipes peuvent faire autant de courses que possible au cours des trois jours de compétition.

Le prix de la course la plus rapide est donné à l’équipe ayant fait la course avec le plus grand pourcentage d’efficacité au cours des trois jours de compétition. La course la plus rapide compte pour 17 % de la note finale. En 2017, Chinook 7 a remporté le prix de la course la plus rapide avec un score de 102,45 %.

Pour le prix d’endurance, le score est calculé en faisant la moyenne des trois meilleures courses de chaque jour de compétition. En 2017, l’équipe de Chinook 7 a eu un score d’endurance de 98,76 %. Le score d’endurance vaut 33 % de la note finale.

Finalement, pour cet événement, la compétition de drag race, un arbre éliminatoire est généré aléatoirement. Les véhicules coursent l’un contre l’autre, le premier arrivé au bout de la piste gagne. La drag race vaut 27 % de la note finale.

Le fonctionnement

Comment ça marche, un « char à vent »? J’ai parlé plus haut d’une grosse hélice, bien, ce qui alimente le Chinook n’est pas une hélice; une hélice c’est le truc vissé sur ton ventilateur. Le Chinook est plutôt alimenté par une éolienne.

Côté mécanique, c’est assez simple : le vent fait tourner les pales de l’éolienne. La puissance est ensuite transmise de manière mécanique vers les roues arrière par une série de boîtiers d’engrenages, un embrayage et une transmission de 14 vitesses. Une analogie simple du fonctionnement mécanique de Chinook peut être faite avec un vélo. Lorsque l’on tourne les pédales d’un vélo (lorsque le vent fait tourner l’éolienne), la puissance mécanique produite est transmise à la roue arrière. Si l’on arrête de pédaler (si le vent meurt), le vélo (le Chinook) peut continuer à avancer sur son élan.

L’équipe de Chinook est une équipe multidisciplinaire. Mis à part la mécanique du véhicule, plusieurs systèmes embarqués dans le véhicule sont nécessaires pour son fonctionnement. Parmi les systèmes électroniques, on compte l’orientation automatisée du mât, le changement de vitesse électronique, l’acquisition de données, la télémétrie, etc.

Les défis de conception

Un des défis du volet mécanique est d’évaluer correctement la plage de performance du véhicule. Étant donné que le score d’endurance est mesuré sur les trois jours de compétition, il est important de s’assurer que la conception du véhicule permet d’opérer efficacement dans une multitude de conditions de vent.

Les vitesses de vent sur le site de compétition varient entre 10 et 35 km/h, les moyennes saisonnières étant autour de 25 km/h. Évidemment, plus la vitesse du vent est élevée, plus la puissance que l’on peut en retirer est grande. La question devient alors la suivante : faire des compromis et designer un véhicule adapté sur la plage de vent entière, ou bien rouler les dés et optimiser le véhicule pour une plage de vent précise.

« Les records sont faits dans des grands vents »

C’est avec cette philosophie que le Chinook fait la conception du véhicule chaque année. L’éolienne, l’aérodynamisme et la transmission du Chinook sont optimisés pour la plage supérieure de vent sur le site de compétition soit entre 25 et 35 km/h. C’est-à-dire que le véhicule est capable de livrer des performances phénoménales dans des vents élevés (< 115 %), mais sera inefficace (> 50 %) dans des conditions de vent très faibles.

Optimiser le véhicule pour les grands vents n’est pas nécessairement une lame à double tranchant. Sur les trois jours de compétition, les chances sont qu’au moins une des journées aura des vents favorables. De ce fait, les événements de drag race et la course la plus rapide permettent en quelque sorte d’atténuer les effets de la conception. En 2015 par exemple, les vents ont été de 12 km/h durant deux des trois journées de la compétition. Le score de l’équipe sur ces deux journées a été de 30 % d’efficacité, ce qui plaçait l’équipe en 5e place. Des vents favorables au 3e jour de compétition ont permis de remonter l’équipe au 3e rang de l’endurance, d’effectuer la course la plus rapide et de remporter l’événement de drag race. Ceci a assuré une 2e place au cumulatif à l’équipe.

Quoi de neuf pour Chinook 8?

En se basant sur le succès de Chinook 7, l’équipe de Chinook 8 s’est donné comme objectifs d’alléger le véhicule de 20 kilos, d’améliorer l’aérodynamisme et de minimiser les pertes mécaniques dans la transmission. Pour ce faire, l’équipe a refait un châssis en titane, conçu et fabriqué un mât en fibre de carbone plus aérodynamique, une transmission en impression 3D de métal et un nouveau système de rotor.

Nos dernières simulations nous montrent une réduction de 200 W en pertes aérodynamiques et de 150 W en pertes mécaniques. Des améliorations non négligeables pour un véhicule qui produit 3 000 W de puissance!

Je vous invite à aller visiter notre page [connectez-vous pour voir les adresses courriel] pour voir le progrès de l’équipe de semaine en semaine.

Pourquoi se joindre à un club scientifique?

Le parcours de chacun à travers les clubs scientifiques est différent, je ne peux pas parler pour les autres, mais je vais vous parler de mon expérience à travers les années au Chinook.

Pourquoi ai-je choisi le Chinook?

Ce qui m’a attiré vers le Chinook, c’est le défi d’ingénierie. Un des anciens membres du Chinook m’expliquait, un jour, comment l’auto pouvait avancer contre le vent en utilisant l’énergie du vent. Il m’a dit ceci et je m’en souviendrai toujours : « C’est comme si je suis devant toi et que je te pousse vers l’arrière, puis que tu utilises cette énergie pour avancer de l’avant. » J’étais bafoué.

Je suis entré au club à l’hiver 2014, en plein milieu de la phase de fabrication de Chinook 4; cette année-là je n’ai pas fait grand-chose, seulement un peu de sablage et un peu d’usinage. C’était cependant assez pour éveiller mon envie de m’impliquer davantage dans le club. L’engagement et la passion que chaque membre de l’équipe évoquait envers le projet m’ont impressionné et j’avais envie d’en faire partie.

Depuis, j’ai travaillé sur de nombreux projets, par exemple : un différentiel à ratios variables, une nouvelle transmission pour le véhicule, un système de direction des roues arrière, un subframe du véhicule, un mât d’éolienne en composite, une structure d’essieu arrière en composite, etc.

Un club scientifique, c’est l’opportunité de partir sur des « dérapes » d’ingénierie. C’est l’opportunité de travailler sur des projets qui ne seront pas possibles/pratiques dans l’industrie. T’as le goût de faire un boîtier de transmission en impression 3D de métal qui coûte dix mille piastres? VAS-Y! T’as le goût de faire un châssis en tubes de titane? GO!

Le mot de la fin

Je vous invite à prendre une heure de votre temps un midi cette semaine pour aller visiter les différents clubs à l’ÉTS en commençant par le Chinook bien sûr, le MEILLEUR club (mon opinion est biaisée un peu, je m’en excuse). Je vous entends déjà dire que vous n’avez pas le temps de vous impliquer dans un club scientifique, que vous avez trop de travaux... Naturellement, s’impliquer vient avec un nombre de sacrifices. Il faut néanmoins voir ce que le projet nous apporte. Mon implication m’a permis de décrocher une maîtrise avec l’Agence spatiale canadienne, de travailler sur des projets incroyables que je n’aurais jamais eu l’opportunité de faire dans l’industrie et de voyager partout à travers le monde. Ne voyez pas le club étudiant comme une corvée, mais comme une opportunité à ne pas manquer.

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Powertrain Chinook
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