L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

La Démocratie et l'AÉÉTS

Juillet 2013 » Opinions » Par Félix-Antoine Tremblay, étudiant de maîtrise, chef de pupitre du JETS

Lors des « débats » précédant les élections printanières de l’Association des étudiants de l’École de technologie supérieure (AÉÉTS), la question suivante était posée aux candidats s’étant prêté au jeu : « [Quelles sont les particularités d’une association étudiante du domaine de l’ingénierie?] ». Les caractéristiques mises en évidences par les débateurs furent le professionnalisme et le sérieux des étudiants et étudiantes en ingénierie, mais il fut impossible pour eux de passer au silence le manque d’implication au sein de l’Association de la part de ses membres. Est-il nécessaire de rappeler que la démocratie a comme fondement le pouvoir au peuple? Notez que l’on pourrait se poser la même question quant à la « démocratie » capitaliste, mais ce n’est pas le sujet de ce texte.

En tenant pour établi que la démocratie est fondée sur le pouvoir au peuple, comment peut-on être démocratique face à un « peuple » qui ne désire pas le pouvoir? En démocratie représentative, un groupe d’élus se charge de remplacer ce « peuple » dans l’équation, mais il est impossible de vraiment représenter des gens ne désirant, à la base, aucun pouvoir. Cette démocratie est donc le pouvoir donné à un groupe d’individu lequel prétend défendre le « peuple ». Ce système est nommé une « oligarchie ». Il ne faut toutefois pas oublier que la démocratie étudiante a de particulier qu’elle s’affuble de l’adjectif « participative » ou « directe », du moins si l’on s’en tient aux assemblées générales. Le terme « participative » est toutefois plus juste, puisqu’une démocratie directe n’impliquerait pas nécessairement une participation. Donc, cette démocratie est, en fait, une oligarchie participative. Ce fait est confirmé par les nombreuses déclarations médiatiques sur la démocratie étudiante du printemps 2012, soit que les décisions en assemblée sont prises par une poignée de gens seulement, lesquels y sont toujours présents. Bien qu’il soit impossible d’affirmer ou d’infirmer ces allégations pour l’ensemble des associations étudiantes, c’est un fait indéniable en ce qui a trait à l’AÉÉTS. À ces critiques, les contestataires de la hausse des frais de scolarité libérale répondaient ne pas être responsables de la faible participation, ce qui est également indéniable. En effet, comment pourrait-on reprocher à des participants et des participantes l’absence d’autres individus? Ceux-ci sont parfaitement responsables de leur décision.

La notion de quorum a justement pour objectif de limiter le noyautage des assemblées, d’empêcher un groupe trop restreint de gens de décider pour les absentéistes. Dans la plupart des associations, celui-ci est fixé à 1 %. Pourtant, dans le cas de l’AÉÉTS, le quorum est de 30 membres, sur un total d’environ 6 500, soit approximativement 0,46 %. De plus, l’AÉÉTS est dotée d’un Conseil d’administration (C.A.), formé de 24 membres lorsque tous ses postes sont occupés. Ainsi, il est possible pour le C.A., lequel doit se rapporter à l’Assemblée générale, de former la majorité d’une assemblée générale ayant quorum. C’est effectivement ce que l’on peut observer lors des assemblées spéciales, où la moitié de l’assemblée est souvent constituée des administrateurs et administratrices de l’Association. Ainsi, le groupe soumis aux décisions des assemblées est souvent celui-là même qui prend les décisions de ces assemblées, mais il ne faut pas oublier que les absentéistes sont absolument responsables de leur absence.

Les élections de l’AÉÉTS sont donc, en pratique, le seul moment où la population étudiante profite de son « pouvoir » démocratique. Afin de faciliter au maximum la prise du pouvoir par les membres lors de celles-ci, le vote Internet est utilisé. Le « pouvoir » est donc à la portée de la main : à la maison, dans l’autobus, pendant un cours, bref, entre deux visites sur Facebook. Pourtant, même là, impossible d’obtenir une participation décente. Non seulement la participation est anémique, mais on peut même observer une tendance claire pour la chaise lors de ces votes, un « non » à toute représentation. Qu’ont-ils donc de si particulier ces membres de l’AÉÉTS? Ils refusent d’être représentés, ils refusent de prendre le pouvoir, peut-être refusent-ils même d’avoir une association? Cette question est des plus déplaisantes à poser, mais il serait absurde de ne pas se la demander.

À quoi sert donc l’AÉÉTS? Elle devrait servir à défendre ses membres, à la manière d’un syndicat, contre un adversaire. Dans le cas qui nous occupe, cet adversaire serait naturellement l’Administration. Toutefois, l’AÉÉTS et l’ÉTS ont plutôt une relation de cohabitation, bien que l’ÉTS, en bon propriétaire de l’ « immeuble », tente quelques fois de profiter de son statut avantageux. Ce n’est pourtant pas ce qui semble inquiéter les membres de l’Association, ceux-ci semblent plutôt à la recherche d’une défense contre l’Association elle-même, notamment en choisissant la chaise aux élections et l’absentéisme lors des assemblées générales. Le rôle de l’AÉÉTS, à l’origine d’être un défenseur, s’est vraisemblablement transformé en créateur de vie étudiante : fêtes, clubs scientifiques, etc. Ne serait-il pas logique, dans ce cas, de modifier les statuts de l’AÉÉTS en ce sens? Tout à fait, les statuts actuels posent l’Association comme une instance entre ses membres et l’Administration. Ainsi, le C.A. est parfaitement légitime de parler au nom de ses membres, qu’ils aient voté avec sérieux, qu’ils soient allés à toutes les assemblées ou qu’ils veulent avant tout sa dissolution.

On ne peut donc pas blâmer les gouvernants et gouvernantes de « gouverner », ceux-ci ont été élus et les statuts de l’AÉÉTS leur donne ce pouvoir. Quel est donc le pouvoir des membres? C’est celui de se présenter aux assemblées, de parler à leurs représentants et représentantes, de voter aux élections ou même de s’y présenter, bref, de s’exprimer. Si le désir des membres de l’Association est véritablement sa dissolution, des procédures en ce sens existent, mais, par leur silence, ceux-ci placent leurs administrateurs et administratrices dans une position particulièrement inconfortable.

Au tout début du présent texte était posée la question suivante : « Comment peut-on être démocratique face à un « peuple » qui ne désire pas le pouvoir? » C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, mais à laquelle les membres du C.A. doivent tenter de répondre, en êtes-vous capable?