L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Partager la route? Pas vraiment…

Septembre 2013 » Opinions » Par Jeason W. Randlett, étudiant de génie de la construction

Il ne date pas d’hier qu’automobilistes et cyclistes se voient être obligés de partager la route et depuis aussi longtemps, ils se disputent la route. Il y a quelques années, le rôle du méchant et de l’intolérant était principalement, voire même entièrement, attribué à l’automobiliste. Même encore aujourd’hui, dans une grande proportion des cas, l’automobiliste est le responsable attitré dans les cas d’accident avec un cycliste. Vous rappelez-vous de la campagne de sensibilisation de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) encourageant le partage de la route? Cette campagne de sensibilisation avait comme objectif de réduire le nombre d’accidents entre automobilistes, piétons et cyclistes. Elle encourageait aussi à la courtoisie et la tolérance des automobilistes envers les cyclistes roulants sur la route. Cette campagne semble avoir porté fruit puisque, selon la SAAQ, le nombre d’accidents impliquant automobilistes et cyclistes diminue d’année en année depuis les six dernières années. Étant moi-même cycliste depuis longtemps, lors de mes études collégiales à Québec je voyageais régulièrement à vélo, même à Montréal, il n’est pas rare que j’enfourche mon vélo pour me déplacer en ville. Bref, l’attitude du partage de la route faisait un grand sens à mes yeux. Tout ça me semblait bien beau, mais depuis quelques mois, j’ai décroché un nouvel emploi de chauffeur pour un concessionnaire automobile. Cet emploi me donne la chance, ou le malheur, de conduire à travers la ville, principalement dans le centre-ville. Cependant, ce même emploi m’a fait voir un côté du partage de la route que je ne voyais pas en tant que cycliste : la témérité et l’attitude de « Je-m’en-foutisme » de certains cyclistes. Il n’est pas rare que je voie un cycliste brûler un feu rouge, passer un stop sans s’arrêter, rouler sur le trottoir, écouter de la musique avec ses écouteurs, zigzaguer entre les voitures pour se faufiler en avant et j’en passe. J’en viens même à me demander si au fond le problème ne viendrait pas des cyclistes eux-mêmes. Je ne parlerai pas ici du jeune cycliste se promenant dans son village, de la jeune mère de famille se déplaçant uniquement sur les pistes cyclables ou du cycliste de performance roulant à toute vitesse sur des routes de campagne rarement fréquenté par les automobilistes. Il sera plutôt question, dans cet article, des cyclistes urbains agissant comme si aucune loi ne les touchait.

Code routier appliqué aux cyclistes

Comme plusieurs le savent déjà, ou du moins devraient le savoir, le code routier s’applique aux cyclistes. Je ferai ici un petit récapitulatif des règles les plus fréquemment oubliées s’appliquant aux cyclistes.

La première règle la plus violée par les cyclistes est probablement l’arrêt obligatoire. En effet, l’article 369 du Code de sécurité routière dit ceci : « À une intersection réglementée par des panneaux d’arrêt installés pour une seule chaussée, le conducteur d’un véhicule routier ou d’une bicyclette qui fait face à un panneau d’arrêt doit immobiliser son véhicule et céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu’il s’apprête à croiser ou à emprunter. »1

Cette règle ne suit que le gros bon sens. Comme tout véhicule circulant sur la route, les cyclistes ont l’obligation de s’immobiliser. C’est simplement une question de sécurité pour le cycliste lui-même, mais aussi pour les piétons et pour minimiser les risques d’accident avec les automobiles. Une violation de ce règlement pourrait vous obliger à devoir payer une amende de 37 $ plus les frais ainsi que recevoir trois points d’inaptitudes.

Une autre règle régulièrement violée par les cyclistes est la règle des feux rouges. Tout comme les automobiles et les piétons, les cyclistes doivent eux aussi s’arrêter aux feux rouges. L’article 359 du Code de la sécurité routière dit ceci : « À moins d’une signalisation contraire, face à un feu rouge, le conducteur d’un véhicule routier ou d’une bicyclette doit immobiliser son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d’arrêt ou, s’il n’y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée qu’il s’apprête à croiser. Il ne peut poursuivre sa route que lorsqu’un signal lui permettant d’avancer apparaît. »² Tout comme la première règle énoncée dans cet article, il est simplement logique de suivre la signalisation routière. C’est une question de sécurité. Je ne comprends toujours pas pourquoi plusieurs cyclistes continuent à s’obstiner à ne pas respecter ces deux simples règlements. Pour sauver du temps? Si les automobilistes se mettaient eux aussi à brûler les feux rouges et à ne pas faire les arrêts obligatoires sous le simple prétexte que c’est trop long et qu’ils veulent sauver du temps, je vous dis que non seulement le chaos s’installerait dans les rues, mais que le nombre d’accidents augmenterait en flèche. Alors les cyclistes doivent eux aussi se soumettre à ces règles de base. Sachez qu’aller à l’encontre de ce règlement entraîne une amende de 37 $ et l’ajout de trois points d’inaptitudes à votre dossier.

Un autre règlement fréquemment oublié par les cyclistes est qu’ils ne peuvent pas rouler sur les trottoirs. Il est clairement stipulé à l’article 492.1 du Code de sécurité routière ceci : « Le conducteur d’une motocyclette, d’un cyclomoteur ou d’une bicyclette ne peut circuler sur un trottoir sauf en cas de nécessité ou à moins que la signalisation ne le prescrive. »²

Il est spécifié dans l’article « sauf en cas de nécessité », je tiens à rappeler qu’essayer de s’enfuir d’un policier qui vous interpelle n’est pas un cas de nécessité, ni même parce qu’il est plus rapide de rouler sur le trottoir ou qu’il n’y a pas de beaucoup de piétons. En fait, je ne connais pas de cas de nécessité de rouler sur le trottoir. Le seul moment où vous pouvez être avec votre vélo sur le trottoir est lorsque vous marchez à côté de votre vélo, jamais dessus. Rouler sur le trottoir vous forcera à payer une amende de 37 $.

Il existe plusieurs autres règlements s’appliquant aux cyclistes dans le Code de la sécurité routière. Entre autres, ne pas avoir d’écouteurs dans les oreilles, circuler en file, avoir des réflecteurs sur chacune de ses roues, ne pas circuler entre deux rangées de véhicules en mouvement, etc. Chacun de ces règlements est en vigueur pour assurer la sécurité des usagers de la route, peu importe leur véhicule.

Pistes cyclables et contravention

Plusieurs cyclistes disent ne pas emprunter les pistes cyclables pour des raisons de vitesse et parce qu’ils considèrent les pistes cyclables comme étant des « trappes à ticket ». La première fois que j’ai entendu ce terme, il était utilisé par les automobilistes frustrés de s’être fait prendre en flagrant délit. Pour vous illustrer le ridicule du terme « trappe à ticket », je vais vous conter une petite anecdote. J’ai moi-même déjà été pris dans ce que plusieurs auraient appelé une « Trappe à ticket » parce que, comme plusieurs, je roulais 15 km/h au-dessus de la limite de vitesse sur le boulevard Henri-Bourassa, près de l’hôpital Enfant-Jésus à Québec. Les policiers qui m’ont remis une contravention ont bien entendu intercepté une quinzaine d’autres automobilistes qui roulaient eux aussi aux dessus de la limite de vitesse. Pendant que j’attendais mon rappel à l’ordre, j’entendais plusieurs autres automobilistes crier à l’injustice et que cette histoire était ridicule. Qu’est-ce qui est ridicule? Est-ce que de recevoir une contravention pour avoir contrevenu au Code de sécurité routière est ridicule? Les policiers ne devraient-ils pas faire appliquer le Code? À quoi bon se doter d’un code de sécurité routière si les gens ne le respectent pas et que les policiers ne peuvent pas l’appliquer sans se faire accuser de faire une « trappe à ticket »?

Maintenant, ce terme est utilisé par les cyclistes aussi. J’ai même déjà entendu un cycliste dire qu’il était préférable de zigzaguer entre les voitures (ce qui est illégal) et enfreindre volontairement la loi plutôt que de rouler dans les pistes cyclables parce qu’au moins dans le trafic automobile, il a moins de chance de se faire rattraper par les policiers ou de se faire prendre dans une « trappe à ticket ». Permettez-moi de trouver cette attitude totalement irresponsable! Je n’en ferais pas un cas si ce cycliste était le seul à avoir une telle pensée, malheureusement, ils sont plusieurs et cet article s’adresse principalement à eux. Le premier réflexe normal pour éviter une contravention devrait normalement être de suivre les règles, pas de les enfreindre volontairement pour mieux s’enfuir. Que vous rouliez sur une piste cyclable ou sur la route, si vous respectez les règles, vous ne serez pas pris dans une « trappe à ticket ». J’encourage donc les cyclistes à rouler le plus possible dans les pistes cyclables et à respecter les règlements, n’oubliez pas que vous êtes, vous aussi, touchés par les lois.

Solutions pour encourager l’utilisation du vélo

Avec cet article, j’entends déjà certains étudiants crier et m’accuser d’être un méchant automobiliste anti-cycliste, un intolérant, un frustré de la route… Cependant, ils n’auront rien compris à mon discours. Je souhaite sincèrement promouvoir le partage de la route entre cyclistes et automobilistes. Heureusement, à travers le monde, différentes villes ont relevé le défi. L’un des premiers exemples d’intégration presque parfaite d’une culture cycliste intelligente est sans aucun doute Copenhague. Un documentaire que j’écoutais dernièrement disait que près de 50 % des citoyens se déplacent à vélo2. Ils expliquaient aussi que très peu de cyclistes enfreignaient la loi. Comment une ville peut-elle arriver avec des résultats aussi significatifs? Leurs solutions étaient bien simples, de meilleure infrastructure pour faciliter le déplacement des cyclistes et une meilleure sensibilisation des cyclistes aux codes et lois les concernant. Évidemment, créer de nouvelles pistes cyclables ne se fait pas en criant « ciseau ». Encore faut-il que les cyclistes les utilisent, mais avec une bonne sensibilisation auprès de cyclistes, une ville comme Montréal pourrait très bien décupler le nombre de déplacements à vélo. Je ne cacherai pas que tout n’est pas rose dans une ville de cycliste. Le nombre de déplacements à vélo est tellement élevé à Copenhague qu’il y a littéralement de bouchons de circulation cycliste. Malgré ce désagrément, les cyclistes continuent d’utiliser les pistes cyclables et de respecter les règlements en vigueur.

Désobéissance civile pour promouvoir le transport alternatif?

Ce court paragraphe se veut un message aux étudiants et aux gens qui croient faire la promotion des transports alternatifs en organisant des manifestations désordonnées dans les rues du centre-ville de Montréal qui se terminent, comme le mois passé par l’arrestation de quelques cyclistes. Si ces gens croient sincèrement faire la promotion des transports alternatifs en roulants en travers des automobiles, en bloquant la circulation, en brûlant des feux rouges, en ne respectant pas les panneaux d’arrêts et qui essaient en plus de s’enfuir en roulant sur le trottoir lorsque les policiers les interpellent, permettez-moi de leur dire qu’ils sont complètement dans le champ! Ils ne font pas la promotion des transports alternatifs, ils nuisent au développement déjà difficile du principe de partage de la route. S’ils veulent des idées pour promouvoir le vélo, qu’ils aillent voir les organisateurs de la Féria du vélo de Montréal, du Vélirium de Québec, du 24 h de vélo de Mont-Tremblant, du Grand défi Pierre Lavoie et j’en passe. Ces activités font la réelle promotion du vélo et des transports alternatifs en plus d’être associées généralement à des causes communautaires. Les événements sans aucun organisateur, ni trajet ou sens de l’ordre encouragent plutôt l’intolérance et la désobéissance civile. Ces événements se veulent beaucoup plutôt de la simple provocation envers les autorités et les automobilistes. Ces similis-manifestations ne revendiquent pas le partage de la route, elles montrent que ces cyclistes extrémistes veulent la route juste pour eux.

1 Gouvernement du Québec, Chapitre C-24.2, Code de la sécurité routière, à jour le 1er juin 2013.

2 Ports d’attache, TV5 Canada, produit par : Denis Boucher et Nicola Boucher, réalisé par : Étienne Deslières, 2012.