L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

L'avions-nous remarqué?

Mars 2015 » Contributions externes » Par Sandra Legagneur, ph.D., psychologue, conseillère en aide et soutien à l’apprentissage, Services aux étudiants

Le récit que vous allez lire est fictif, mais s’inspire de faits vécus. Peut-être vous reconnaîtrez-vous?

Alexis vient de se faire laisser par sa blonde. Catherine, c’était toute sa vie. Ils se connaissaient depuis le secondaire et s’étaient juré de s’aimer pour toujours. Mais voilà, tout était fini à présent. Il fallait se faire une raison et accepter que leur vie avait pris des chemins différents.  Nous, on trouvait qu’il prenait bien ça. Il n’a pas « pété de coche », il n’a même pas versé une seule larme. On savait tous qu’Alexis était un dur et qu’il était capable d’en prendre. La preuve, il a continué à venir à ses cours. C’est vrai qu’il ne riait plus beaucoup et qu’il nous disait que bientôt il ne nous embêterait plus avec « sa » Catherine. Il y a même des jours où il nous disait qu’il voulait mourir tant la douleur était insupportable. Nous, on lui répondait de ne pas s’en faire et que demain ça irait mieux. Il y a même Maxime qui lui a dit que, dans le fond, c’était peut-être mieux ainsi et que ça voulait juste dire que cette fille n’était pas pour lui.

Au fil du temps, Alexis a arrêté de venir aux pratiques de hockey, lui qui était la vedette de l’équipe. C’est là qu’on a commencé à le trouver franchement ennuyant, je dirais même « plate ». On s’est alors dit que pour lui changer les idées, on irait jouer une partie de billard suivie d’une soirée bien arrosée. Puis un jour, on ne l’a plus revu et on a appris qu’Alexis s’était suicidé.

L’avions-nous remarqué?

L’avions-nous écouté?

Avions-nous porté attention à son désespoir ou avions-nous écouté la voix de la peur,

celle qui nous disait « Mais non, il ne se rendra jamais jusque-là? »

Alexis fait partie des trois Québécois et Québécoises qui se suicident chaque jour. C’est trois vies fauchées, c’est une mère qui perd sa fille, une sœur qui perd son frère, un gars qui perd son meilleur chum. Le suicide n’est pas un choix, mais bien l’expression d’une souffrance. Parce que le suicide est l’affaire de toutes et de tous, nous pouvons agir pour repérer la détresse psychologique et le risque de suicide.

Nous pouvons tout d’abord observer les changements et les signes qui peuvent témoigner d’un danger de suicide. Alexis a envoyé des signaux de détresse avant de se suicider. Il convient donc d'être attentif à ces signaux et de les prendre au sérieux. Ces signes peuvent être des messages verbaux directs (ex. : « Je veux mourir ») ou  indirects (ex. : « Bientôt, je ne vous embêterai plus avec « ma » Catherine). Ils peuvent également être des changements dans le comportement de la personne : perte d’intérêt et de plaisir pour des activités, retrait, recherche de solitude, coupure des contacts avec la famille et les amis.

Osons aborder la question du suicide et posons des questions pour vérifier nos doutes : « Alexis, est-ce que tu penses au suicide? » Il est faux de croire qu’aborder le sujet peut provoquer le geste. Au contraire, en parlant ouvertement de suicide, nous indiquons à la personne en détresse que nous sommes ouverts à en parler et que nous l’accueillons dans sa détresse.

Orientons la personne en détresse vers des ressources d’aide telles que les Services aux étudiants (local A-2700) pour recevoir du soutien, soit d’un ou d’une psychologue, soit d’une étudiante ou d’un étudiant écoutant du programme OR Pair. Nous pouvons également référer la personne en détresse à  Suicide-Action Montréal.

Si la personne refuse en vous demandant de garder le secret, expliquez-lui que vous ne resterez pas seul avec ce qu’elle vient de vous dire, car elle mérite d’avoir l’aide dont elle a besoin. En effet, il est important de ne pas rester seul face à une telle problématique. Voici les coordonnées des différentes ressources prêtes à vous aider :

La 25e Semaine nationale de prévention du suicide s’est déroulée du 1er au 7 février dernier. Parce que le suicide continue d’être un fléau au Québec, formons toutes et tous ensemble une chaîne de solidarité autour des personnes suicidaires pour que le suicide ne soit jamais une option.