L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

De l’espoir pour la politique moderne

Mai 2015 » Opinions » Par Anne-Sophie Lachapelle, étudiant de génie des opérations et de la logistique, vice-présidente des affaires externes

        En tant que futurs ingénieurs et ingénieures, nous sommes à même de comprendre l'importance des nouvelles technologies dans le développement des outils du quotidien. Parfois nous en sommes si près que nous ne voyons pas comment le progrès technologique peut s'appliquer à des concepts qui sont plus grands que nous.

        Par exemple, en tant qu'étudiants et étudiantes, nos avons récemment été confrontés à la problématique de la légitimité du vote de grève, une application pourtant simple de la démocratie. De plus, tous ceux et celles qui ont voulu unir leurs voix n'avaient comme seul moyen de se faire entendre que de provoquer du désordre pour attirer l'attention des médias et gouvernements.

        La jeunesse du XXIe siècle s'attaque à une problématique avec des moyens décisionnels datant du 19e siècle . Le système de votation classique, utilisé massivement dans le monde, permet l'obtention de seulement deux types de résultats : l'accord ou le statu quo. Ainsi, je me pose plutôt la question suivante. Pourquoi la performance des technologies de l'information de notre époque ne sont pas mises à profit pour améliorer cette démocratie?

Les outils

        Plusieurs plateformes permettent actuellement d'exprimer attentes et préoccupations mais toutes demeurent informelles. Nous n'avons qu'à penser aux réseaux sociaux. Ainsi, on nous demande de rester passif alors que certains estiment qu'il est de leur devoir d'être engagé dans les résolutions de nos décideurs et décideuses afin d'augmenter la « capacité de dialogue » de nos gouvernements.

        C'est dans cette perspective que Net Party (Partido de la Red) fut fondé en 2013, en Argentine. Il s'agit d'un parti politique qui propose l'utilisation d'Internet pour l'application de la démocratie délégative. Ce principe est basé sur le fait que chaque membre peut choisir de rester passif comme individu ou d'être actif en tant que délégué. Le Net Party travaille avec un logiciel open-source qu'ils ont eux-même développé : DemocracyOs1. Ils utilisent ce logiciel pour sonder les citoyens et citoyennes sur des projets de loi existants afin de déterminer la position de leur élu ou élue au parlement. Le processus se répète pour déterminer si un projet de loi présenté par le parti atteint le seuil de soutien avant d'être présenté en chambre.

L'initiative

        Nous l'avons vu localement en 2012 lorsque le 22 mars, les porte-paroles du mouvement étudiant ont su réunir des dizaines de milliers d'individus autour d'une même idée, et ce, grâce aux nouveaux médias. C'est la démonstration de cette capacité de la jeunesse à s'organiser, à contourner les lois pernicieuses et même à remettre en question l'élection d'un gouvernement entier qui a inspiré le Net Party à tirer profit de ces outils. Pia Mancini, co-fondatrice du Partido de la Red cite en exemple des soulèvement populaire au Chili, en Italie, au Mexique et plusieurs autres.

        Internet est un outil puissant donnant lieu à la possibilité de reconstruire des institutions telles que la démocratie elle même que l'on ne peut ignorer. C'est la prémices qui a permis la naissance de l'application DemocracyOs. Ses fondateurs et fondatrices la qualifie de pont entre la collectivité et les élus et élues. Pour chaque nouveau projet du gouvernement, toute l'information est vulgarisée et transmise presque immédiatement sur la plate-forme. Toutefois, les concepteurs et conceptrices ont constaté que le simple fait d’être informé n'est pas le réel moteur du changement, mais que cela doit être accompagné d'action. Ainsi, l'accès à l'information rendu possible grâce à DemocracyOs offre aussi l'opportunité d'entrer en conversation et de promouvoir le débat public.

        En 2013, ils ont proposé leur plate-forme au parlement de Buenos Aires, mais sans succès. Selon eux, cela est attribuable au manque de volonté des différents paliers gouvernementaux en place à changer leur moyen de prendre des décisions. Cette fermeture au changement n'est définitivement pas un enjeux technologique pouvant être résolu par la plate-forme DemocracyOs. C'est pourquoi le parti a pris la décision de devenir partie prenante en se présentant aux élection d'octobre 2013, dans la course pour un siège au parlement, un véritable acte de foi. Le Net Party s'est vu octroyer seulement 1,2 % des votes, soit 22 000 voix, suffisamment d'électeurs et d’électrices pour devenir un acteur de changement.

        Finalement la mission de DemocracyOs, et du Net Party par le fait même, est d'obtenir un consensus au sein de la collectivité afin de guider les élus et élues dans leurs prises de position et d'optimiser la représentativité, de la rendre plus juste. Le vieil adage « no taxation without representation » est maintenant un acquis social et nous pouvons désormais le remplacer par « no representation without conversation »2, un message d'espoir pour redéfinir la place de l'engagement citoyen.

1 http://democracyos.org

2 Pia Mancini - lc.cx/ZZGi