L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Des entrepreneurs novateurs au Centech

Novembre 2018 » Campus » Par Alexandra Lord, collaboratrice externe

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Mike Boutin, fondateur d’Innov2Learn
Photo par Alexandra Lord

Brillants, articulés, passionnés, mais surtout, motivés. Quatre caractéristiques qui décrivent bien les jeunes entrepreneurs technologiques que le Centech prend sous son aile. Malgré les nombreux défis qui jalonnent leur route, ils sont prêts à tout pour réussir.

Innov2Learn : La technologie pour améliorer l’éducation

« Il y a beaucoup de défis et il n’y a rien de certain. On risque tout et on croise les doigts pour que ça marche », lance Mike Boutin, jeune entrepreneur de 24 ans et fondateur de la startup Innov2Learn, qui répond directement à un besoin.

Il s’est fait lancer un défi il y a quelques années par le CHUM pour son projet de fin de technique en génie électrique au Cégep Gérald-Godin. Il devait concevoir un glucomètre de simulation capable d’être contrôlé à distance, qui serait utilisé pour enseigner aux étudiants. « Je suis arrivé avec un prototype après quatre mois. C’était le modèle de base, spécifie-t-il. Quand je leur ai montré, ils m’ont dit “c’est exactement ça qu’on voulait, on va t’en prendre.” »

La formation pratique des professionnels en stage manquait de réalisme. « En stage, c’est dur d’avoir un standard. Sur le terrain, tu ne peux pas faire d’erreurs, surtout dans le milieu de la santé. Avant, les étudiants se pratiquaient sur des appareils éteints, sur lesquels le professeur mettait un post it dessus », explique le fondateur d’Innov2Learn.

Il a créé une application disponible sur Google Store et Apple Store qui sert d’interface de contrôle pour ses appareils, que peuvent programmer les professeurs en classe ou les étudiants qui veulent se pratiquer entre eux.

Ses appareils très réalistes, inspirés le plus fidèlement possible des vrais modèles utilisés professionnellement, sont destinés aux cégeps, aux centres de formation professionnelle, aux universités et aux hôpitaux. Ils sont utilisés par de futurs infirmiers, des inhalothérapeutes et des paramédicaux, entre autres. « Quand un étudiant voit notre appareil et qu’il se retrouve ensuite en milieu de travail, il est capable de le reconnaître rapidement et de bien l’utiliser », développe-t-il, satisfait de la répercussion positive de sa compagnie sur l’enseignement.

Mike Boutin s’est inscrit à L’ÉTS en génie de la production automatisée, en travaillant parallèlement sur sa startup. C’est durant son cours d’introduction à l’entrepreneuship qu’une lumière s’est allumée et qu’il s’est reconnu là-dedans. « Je n’aime pas ça suivre un chemin déjà tout tracé. Je n’ai pas besoin d’avoir une sécurité. J’aime être sur un navire, être le premier à affronter la vague et être dans le feu de l’action, » illustre-t-il, en riant.

En octobre 2016, il a signé pour un investissement de 100 000 $.

Écoutant les conseils d’un de ses professeurs, il a approché le Centech, pour combler certaines de ses lacunes. Sur 42 demandes, il a été parmi les 12 entrepreneurs sélectionnés pour le programme accélération et ensuite, parmi les six qui sont passés au programme propulsion.

Le Centech met à la disposition de ces six fondateurs d’entreprise des experts de différents milieux, tels que droit, vente, marketing et gestion, pour les aider dans leur développement d’affaires pour une durée maximale totale de deux ans.

« Créer un produit pour créer un produit, ce n’est vraiment pas là l’idée, déclare Mike Boutin, pensif. L’important, c’est d’attacher ça à une mission. Je suis un écologiste activiste et j’ai fondé Innov2Learn parce que pour moi la solution pour aider la planète passe par l’éducation. J’ai toujours dit à ma mère “donne-moi les bons outils et je peux te faire n’importe quoi.” Ma mission, c’est vraiment d’améliorer l’éducation! »

Maintenant, Innov2Learn est dans 40 institutions au Québec et dans plus de trois aux États-Unis.

La compagnie fabrique aujourd’hui deux modèles de glucomètres, le Gluco3 et le Gluco mini, un thermomètre, un oxymètre, une sonde rectale pour le thermomètre, un socle de recharge pour le thermomètre et glucomètre, et des options batterie plus.

« On fabrique tout ici au Centech : le boîtier, l’électronique et la programmation. Donc tous nos appareils sont 100 % fabriqués au Québec, » ajoute le jeune homme, fier.

Le fondateur de la compagnie se consacre maintenant à temps plein sur son entreprise puisque c’est extrêmement demandant, mettant de côté ses études. « C’était une opportunité. Sois je saute dedans et je m’investi à fond dans Innov2Learn, soit je laisse passer ma chance et je me serais dit “j’aurais peut être dû”, dit-il. Je veux vraiment le vivre à fond et mettre tout mon focus là dessus. »

Cold Chain Science : au cœur de la « chaîne de froid »

Tout a commencé il y a un an et demi lorsque Samuel Audet-Arsenault et son partenaire ont reçu un appel de Williams Pharmalogistique, qui leur a expliqué leurs besoins.

« Il s’en est suivi une belle proposition dans le domaine de la chaîne de froid, on a lancé l’appel d’offres et on a gagné », s’exclame le cofondateur Samuel Audet-Arsenault.

Cold Chain Science est une entreprise qui se spécialise dans la réalisation d’un appareil qui permet de suivre en temps réel une flotte de véhicule avec GPS et 3G. L’innovation se trouve dans l’affichage des deux températures, la plus haute et la plus basse, à l’intérieur du véhicule, ce qui est spécifique pour la chaîne de froid. « Ils [Williams Pharmalogistique] avaient besoin que ce système-là interagisse avec leur système de gestion en temps réel actuel. Nous avons fait ensuite un système de surveillance en temps réel pour les supporter eux. »

La chaîne de froid est la chaîne de logistique et d’entreposage de tous les produits sensibles à la température, à l’humidité et à la lumière, qui sont contrôlés par Santé Canada avec des règles très strictes. « Il faut que tous les fournisseurs soient validés. C’est un processus qui est long et difficile. C’est un défi technologique et réglementaire », spécifie-t-il

Son associé, avec qui il travaillait auparavant chez Enercon, connaissait bien « la chaîne de froid », ce qui leur a été très utile lors du démarrage de leur entreprise.

Cold Chain Science surveille présentement avec la majorité de leurs clients des vaccins, les centres de réfrigération des vaccins pendant qu’ils sont en transport vers les cliniques de vaccination. Ils ne surveillent pas seulement le transport, mais également la fabrication, la production, l’entreposage, jusqu’à la distribution. « Pour que le produit soit propre à la consommation, explique le cofondateur, il faut être capable de certifier qu’il a été entretenu et transporté dans les bonnes conditions de la fabrication jusqu’à sa consommation. »

Cold Chain Science donne tous les outils nécessaires, l’expertise et la technologie aux entreprises, allant parfois jusqu’à s’occuper de l’emballage des produits. Par contre, elle ne fait pas de contrôle de qualité de produits, seulement de la surveillance.

Leur premier client a financé le projet en bonne partie. Ce client a versé 30 000 $ pour que le projet débute. « Ça nous a permis d’aller chercher des ressources, mais ce n’est pas suffisant, dit-il, réaliste. On a dû emprunter. Un des plus gros défis, c’est de rester viable à long terme. »

Cold Chain Science fait affaire présentement avec 12 clients, a une couverture pancanadienne et arrivera avec un chiffre d’affaires de 1,5 million de dollars d’ici janvier. Leurs clients sont des gens qui faisaient affaire avec le monopole présent et qui cherchent une alternative.

Pour Samuel Audet-Arsenault, l’innovation arrive dans les choses les plus simples. « D’arriver avec une solution simple, soit un appareil qu’on installe là, qu’on a besoin de ne rien faire et qui fonctionne. Normalement, avant, il fallait envoyer ça par avion, tu imagines? Des cliniques partout à travers le pays! Il fallait que tu envoies un technicien là-bas, ce n’était pas commode, précise-t-il. Maintenant, tu as juste à lire les données, et ça fonctionne tout seul. »

Le Centech : un soutien important

Les deux entrepreneurs abondent dans le même sens. Le Centech est un gros coup de pouce pour eux, notamment du côté monétaire. Les loyers à Montréal qui ont un emplacement idéal comme le Centech sont loués à des prix très élevés. « Presqu’aucune entreprise ici ne serait en mesure de se payer un loyer comme ça, s’exclame Mike Boutin. D’avoir des bureaux, du Wi-Fi, une cafétéria et du café à volonté à notre disposition, ça fait une grosse différence. Ça nous donne du souffle. »

Samuel Audet-Arsenault avait auparavant quant à lui un local chez Ework, un bureau collaboratif qui « coûtait une fortune au centre-ville ».

« Au Centech, tout est gratuit. L’entrepreneur a accès à tout sans avoir à débourser un seul sou. C’est un avantage comparé à d’autres accélérateurs dans le monde », indique Mme Brigitte Stock, responsable des communications du Centech.

Le fondateur de Innov2Learn a toutefois un petit bémol concernant le Centech. « Ils se veulent un incubateur technologique, mais côté équipement, c’est zéro, se désole-t-il. Toutes les entreprises doivent se procurer du matériel elles-mêmes, individuellement, pour arriver à développer quelque chose. On achète tout le même équipement. J’ai été cherché un investissement tôt, ce qui m’a permis de m’équiper pour pouvoir développer et produire. Comme disait un de mes coachs, se remémore-t-il, tout investissement qu’on fait au départ, il faut le multiplier par 100. Pour une compagnie qui commence et qui doit s’équiper au complet, ça coûte vraiment cher, c’est des milliers de dollars. »

Le Centech se démarque aussi pour son marketing et son réseautage. « Ce n’est pas facile d’entrer au Centech, avoue le fondateur de Cold Chain Science. Donc une fois qu’on y est, ça nous donne déjà une certaine notoriété en partant. C’est un peu comme un sceau d’approbation. Ça nous aide à avoir plus de visibilité, à rencontrer beaucoup de clients potentiels et à aller chercher des services autour, comme des services de marketing. »

Ce que le Centech chercher « c’est de bâtir des entreprises technologiques saines à forts potentiels, qui sont viables et qui en deuxième temps, aillent sur la scène internationale, indique Brigitte Stock, responsable des communications au Centech. C’est une dynamique qui est très bâtie dans le concret, dans le présent. »

Pour Samuel Audet-Arsenault, le Centech n’est rien de moins qu’une « communauté » à ses yeux. « C’est un écosystème merveilleux, dit-il. Nous sommes entourés de gens qui partagent les mêmes problèmes que nous. On s’entraide pour trouver des solutions. »