L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Comment dire oui à GNL Québec et Gazoduq?

Janvier 2020 » Société » Par Adrien Guibert-Barthez , co-porte-parole de la Coalition Fjord

Image pour Comment dire oui à GNL Québec et Gazoduq?
 
Fjord du Saguenay
Photo par Alain Dumas

Lorsque GNL Québec a déposé son étude d’impact devant les médias le 20 février dernier, l’entreprise semblait déjà crier victoire. Son projet serait « vert » et « durable » en raison du fait que l’usine liquéfierait 11 millions de tonnes de gaz naturel par année en utilisant de l’hydroélectricité plutôt que son propre gaz. L’entreprise parlait aussi de compensation carbone pour le reste des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’usine grâce à un programme de séquestration du carbone. Plus encore, toujours selon l’entreprise, l’utilisation de son gaz permettrait à la Chine de changer ses centrales au charbon par des centrales au gaz et verrait ainsi ses émissions de GES diminuer.

Le lendemain, après avoir feuilleté les quelques 5 000 pages du rapport, Alexandre Shields sortait plutôt une nouvelle tout autre. Sur toute la durée du cycle de vie du produit, la quantité totale de GES émis serait de l’ordre de 7,8 millions de tonnes de GES par année, soit l’équivalent de l’ensemble des efforts de réductions des GES de la province depuis 1990! Ce chiffre, fourni par l’entreprise dans son étude d’impact, comprendrait les émissions produites lors de l’extraction du gaz, du transport par gazoduc et de la liquéfaction du gaz à l’usine de Grande Anse. Or, selon le biophysicien Marc Brullemans, ce chiffre serait en fait extrêmement conservateur et on devrait plutôt parler de 40 à 60 millions de tonnes de GES par année, étant donné l’utilisation finale du gaz, soit sa consommation. 40 à 60 millions de tonnes de GES, c’est l’équivalent de 51 à 71 % des GES de l’ensemble du Québec annuellement!

En regardant davantage le marché ciblé par le projet, on se rend en fait compte que l’ensemble de l’Asie et de l’Europe est visé, faisant en sorte que le changement des centrales au charbon pour des centrales au gaz est loin d’être assuré. Pire encore, la Chine, bien qu’elle ait en effet la volonté de fermer des centrales au charbon, veut en fait surtout augmenter sa production énergétique, ce qui fait en sorte que les centrales au gaz s’additionneraient à d’autres centrales thermiques fonctionnant aux énergies fossiles.

Hydro-Québec, fournisseur à rabais pour GNL?

Pour permettre la liquéfaction du gaz d’Énergie-Saguenay, Hydro-Québec distribution engagerait 5 TWh d’hydroélectricité par an, soit 550 MW de capacité ferme, opérant 24/7, pendant 25 ans. Cela représente environ les deux tiers de la capacité de la centrale de la Romaine. Si on compare les revenus de vente de 5 TWh à un tarif pour « grande industrie » (3,3 ¢/kWh) avec le coût de remplacement de cette énergie pour le Québec (9,2 ¢/kWh), ou même les revenus probables si on exportait cette même énergie (4,7 ¢/kWh), dans tous les scénarios nous sommes perdants. Ce serait une subvention à une entreprise, une monopolisation de notre énergie renouvelable pour servir une industrie qui va produire de l’énergie non renouvelable. Comment expliquer que des actifs hydroélectriques actuellement en service au Québec puissent, sans débat public, être prioritairement réservés contractuellement pendant 25 ans à un tel projet? Cette ressource renouvelable pourrait être plutôt mise au service de réelles actions pour lutter contre les changements climatiques, comme réduire notre dépendance au pétrole dans le secteur du transport.

Qu’en est-il réellement des retombées économiques?

Évidemment, les deux arguments les plus repris par certains élus municipaux et le gouvernement caquiste sont les retombées économiques et les emplois créés. Or, qu’en est-il réellement? En matière d’emplois, l’entreprise parle de 6000 pour la période de construction, puis de 250 à 300 pour l’opération de l’usine à Saguenay. Cependant, comment créer des emplois alors que la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a déjà un défi à relever : combler près de 27 000 emplois dans les cinq prochaines années? De plus, pourquoi s’entêter à développer des industries très polluantes alors que les emplois dans les industries vertes sont tout aussi prometteurs, sinon plus, que dans les industries basées sur les énergies fossiles? Pour le seul secteur de la biomasse, les cibles pour 2025 de Vision Biomasse Québec sont de 3 600 emplois permanents et 12 500 emplois durant la construction, permettant ainsi d’améliorer la balance commerciale du Québec de 225 millions de dollars et évitant l’émission de 1 million de tonnes d’équivalents de CO2.

En conclusion, il est extrêmement discutable de même évaluer la possibilité d’accepter ce genre de projet, en raison des impacts énormes qu’il causerait et du peu de gains qui reviendraient au Québec.

Références de l’article :

SHIELDS, Alexandre. « Énergie Saguenay : le projet de GNL Québec générera plus de 7 millions de tonnes de GES », Le Devoir, 21 février 2019, consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/36khjlQ 
BENOIT, Jacques. « Environnement : avant qu’il ne soit trop tard », Le Huffington Post, 26 février 2019, consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/2YF9NQ8 
SAVARD, Dominique. « 27 000 emplois à combler d’ici 5 ans dans la région », Informe affaires, 27 février 2019, consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/2P4NPCF 
Énergie Saguenay. « Résumé du projet », consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/2sUBJU6 
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction générale de la réglementation (2018). Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2016 et leur évolution depuis 1990, 40 pages. https://bit.ly/2sX9vbj 
Vision Biomasse Québec. Le Chauffage à la biomasse, une vision pour le Québec, 4 pages, consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/36m7BPQ 
SAULNIER, Bernard (2019) « Le gaz naturel: une fausse bonne idée pour la transition énergétique…», présentation PowerPoint de la Tournée interdisciplinaire GNL&Gazoduq, consulté en ligne le 9 décembre 2019. https://bit.ly/2YxkILu

 
Risques associés aux navires méthaniers
Infographie de la Coalition Fjord