L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Dépenser intelligemment

Octobre 2019 » Société » Par Mathieu Drolet, étudiant de génie des technologies de l'information

COMPRENDRE NOTRE VIE ÉTUDIANTE AVEC UN PEU D’ÉCONOMIE

Comment dépensons-nous?

Lorsqu’une dépense est effectuée, plusieurs personnes se retrouvent impliquées, mais en règle générale nous pouvons distinguer deux groupes de personnes. Le premier groupe est celui des personnes qui paient pour la dépense. Le deuxième groupe est celui des personnes qui recevront le résultat de la dépense. Il peut arriver que la personne qui effectue la dépense soit aussi la personne qui reçoit le résultat de la dépense ou que la personne qui dépense soit une tout autre personne. Ainsi, allons-y avec une petite analyse des cas possibles. Mais avant tout, il faut se rappeler que la valeur est subjective, que toute action provient d’un individu et qu’une personne tend généralement à maximiser ces actifs.

Le meilleur des cas de comment on dépense est le cas où nous sommes la personne qui paie pour la dépense et en même temps la personne qui reçoit le bénéfice de la dépense. Prenons par exemple l’achat d’une pizza, une personne qui achète pour elle avec son propre argent va de façon générale tenter de réduire le coût de la transaction et en même temps maximiser le gain obtenu. Ainsi cette personne prendra la pizza qui lui donnera le plus de bonheur, mais qui lui coûtera le moins.

Dans les cas intermédiaires, nous avons celui de la personne qui achète pour soi, mais qui n’est pas la personne qui paie. Un peu comme un enfant à l’approche de Noël, celui-ci va d’abord prioriser la qualité du jouet qu’il désire, mais ne fera pas attention au coût, car l’enfant n’est pas la personne qui assume le coût. Nous retrouvons souvent ce genre de situation dans différentes organisations par l’approche que certaines personnes ont utilisé l’argent collectif pour se payer du luxe, qu’il ne se serait pas payé si l’argent venait de leur poche. Par exemple, une fondue comme repas d’équipe.

L’autre cas intermédiaire, est celui de la personne qui achète pour quelqu’un autre avec son argent. En général, une personne fait attention à son argent et souhaite en dépenser le moins possible surtout si la personne qui dépense n’est pas le receveur de la valeur de la dépense. De plus, comme la personne qui effectue la dépense ne bénéficie pas de la dépense, celui-ci n’apportera pas beaucoup d’importance à la qualité de l’achat. Un exemple dans ce contexte serait d’offrir un cadeau par obligation. La personne va alors faire attention à la somme dépensée et ne se souciera pas de la qualité du cadeau.

Le pire des cas est celui de la personne qui utilise l’argent de quelqu’un d’autre au bénéfice d’une autre personne que soi-même. Comme dans les trois situations précédentes, nous retrouvons alors une situation où l’argent sera dépensé sans compter et la qualité du bien acheté sera plus que douteuse. Le meilleur exemple serait celui des Jeux olympiques. Des dépenses faramineuses qui à la fin de compte ne seront pas utilisables par l’ensemble de la population qui aura payé pour.

Ainsi, les dirigeants d’une organisation qui gère l’argent de plusieurs pour financer des projets influençant l’ensemble d’un groupe d’individus se retrouvera généralement en train de gaspiller les fonds sur des éléments qui ne répondent pas nécessairement aux besoins réels des personnes bénéficiaires.

La meilleure solution dans ce cas de figure est de mettre en place des mécanismes qui amène les dirigeants, comme le dirait l’expression anglaise “to have skin in the game”. Si l’on traduit par le sens, cela serait de faire en sorte que les personnes qui engagent les dépenses soient liées personnellement au résultat de la dépense et en subissent les conséquences. Cela changerait le contexte de la dépense du pire des cas (aucune implication monétaire et au bénéfice), à une situation intermédiaire (avec une personne soit concerné par le coût ou le bénéfice). Il reste que d’implanter de tel mécanisme n’est pas acquis par le fait que les dirigeants d’organisation sont peu enclins naturellement à devenir tributaire des conséquences de leur décision ou encore du système des corporations du Québec qui permet de mettre jusqu’à un certain niveau la responsabilité sur la personne morale au lieu des individus qui ont pris la décision.

Bénéfice et coût

Une situation que nous rencontrons souvent dans le milieu associatif sont les dépenses qui bénéficient un petit groupe, mais qu’un grand groupe paie pour. Cette situation a pour nom dans la théorie des choix publics de bénéfice concentré et coûts dispersés. Je vais y aller d’un exemple pour présenter le contexte.

Disons qu’une organisation met en place une politique qui va augmenter la cotisation des membres de 1$ par personne pour financer une certaine activité. Si l’organisation a, disons 10 000 membres, on se retrouve par conséquent à faire une ponction totale de 10 000$ pour financer l’activité. Dans le contexte présent si l’on rapporte l’analyse au bénéficiaire on se trouve avec une activité qui est organisée par quelque personne qui se retrouve avec une somme importante d’argent pour la réalisation de leurs intérêts. Du point de vue de l’individu, nous avons une personne qui se retrouve à dépenser une infime fraction de la somme totale récoltée. Par conséquent, nous avons une grande disproportionnalité entre l’intérêt qu’a un individu face aux personnes qui bénéficient de cette somme. Disons qu’un individu s’oppose à la mesure et souhaite ne plus avoir à payer cette somme, quel serait le temps maximal que cette personne pourrait mettre en termes d’effort pour changer la situation? D’un point de vue comptable, permettant de mettre en perspective le principe de compromis, on pourrait dire que la personne est au salaire minimum (12,50$/heure) si l’on divise la somme déboursée par le taux horaire, on se retrouve que la personne devrait mettre au maximum  5 minutes de son temps pour arriver au même montant. Il faut se rappeler que la valeur est subjective et par conséquent l’exemple individuel présenté ne prend pas en compte les préférences personnelles de cette personne qui va influencer la valeur que l’individu donne à cette dépense de 1$. Maintenant si l’on rapporte la même analyse comptable du point de vue de la personne qui organise l’activité on se rend compte de quelque chose de particulier. Si l’on divise le montant qu’il reçoit par le taux horaire utilisé précédemment on se retrouve qu’au maximum la personne devrait mettre 800 heures pour protéger ce revenu. Par conséquent la personne qui reçoit le bénéfice à toutes les raisons qu’il faut pour défendre longuement ce gain tandis que la personne individuelle qui paie n’a pratiquement aucune raison de se battre longuement contre ce montant qu’il paie.

L’exemple présenté, démontre un des problèmes principaux qu’une organisation peut vivre où un petit groupe de bénéficiaire s’accapare un montant et le défendra longuement, tandis que de l’autre côté une majorité d’individus n’ont aucun intérêt personnel à défaire la mesure. Voilà un peu pourquoi une organisation dépense régulièrement pour des petits groupes tandis que la majorité ne bénéficie pas de cette dépense.

La solution dans le cas présent est de permettre un désengagement volontaire de l’individu des dépenses de façon personnelle et sans effort. Dans le cas présenté, disons que si la méthode pour se désengager prend plus que 5 minutes nous n’avons pas affaire à un processus sans effort. Mais comme je le rappelle, la valeur est subjective.

Recommandation de lecture

En lecture complémentaire à cet article, je vous recommande Public Choice - A Primer de Eamonn Butler. Ce livre est une bonne introduction à la théorie des choix publics.

Bonne lecture à vous.