Pourquoi des élections?
Le 4 septembre 2012, soit il y a à peine 18 mois, le gouvernement libéral se voyait montrer la porte en raison de son incompétence, autant à gérer la crise étudiante qu’à gérer l’État pendant les neuf ans de son règne. Celui-ci laissa place à un gouvernement péquiste tout aussi incompétent. En effet, on ne peut pas dire que ce dernier ait réglé quoi que ce soit : l’État est toujours aussi mal géré et les contestations étudiantes ont simplement été mises sur la glace le temps de reprendre des forces¹. Au contraire, probablement inspiré par le gouvernement libéral et sa hausse des frais de scolarité, le Parti québécois a réussi à créer une crise de toutes pièces² avec le dépôt de son controversé projet de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement³.
Le 7 avril 2014, le Parti libéral s’est vu offrir un nouveau mandat majoritaire, mais ce n’est pas surprenant. Il faut se rappeler que lors des élections de 2012, ce parti était à moins de 1 % de la tête. En fait, si l’on peut se surprendre de quelque chose, c’est bien du résultat des élections de 2012; le reste n’en est que la suite logique. Bien que le gouvernement Charest ait été aux prises avec les plus imposantes manifestations de l’histoire du Québec ainsi que de graves allégations de corruption, sa popularité demeurait stable. Il est donc tout à fait normal qu’après 18 mois de déboires péquistes, ce parti soit de retour au pouvoir.
Le 1er octobre 2018, on peut déjà prévoir que le gouvernement sera formé par le Parti libéral ou le Parti québécois. On peut aussi s’imaginer que l’insatisfaction envers le gouvernement sera proche de 75 % au moment du vote. Les constats sont clairs : le système de scrutin uninominal majoritaire à un tour est parfaitement déficient et les deux vieux partis, sans négliger le troisième « vieux » parti, sont inaptes à gérer l’État. Pourtant, le Parti libéral et le Parti québécois rassemblent plus de 65 % des votes et, en ajoutant la Coalition avenir Québec, plus de 90 %. Il est peut-être temps que la population québécoise comprenne qu’on ne vote pas « contre » un parti, mais bien « pour » un parti. Regarder les sondages afin de savoir qui on doit appuyer afin de transformer son vote « pour » en un votre « contre », c’est délibérément donner son droit de vote aux maisons de sondage. D’ailleurs, malgré les échecs répétés, le taux de participation aux élections reste de plus de 70 %, il s’agit là aussi d’une grande surprise.
D’ici là, il ne faut toutefois pas oublier que, la démocratie, ce n’est pas « un » vote aux quatre ans, mais bien quelque chose qui se vit tous les jours. En effet, mobiliser ses concitoyennes et concitoyens, faire des pétitions, former des groupes de contestation, prendre la rue, faire la grève et plusieurs autres avenues s’offrent à quiconque désire faire entendre sa voix. Une chose est certaine, tant que la population fera calmement la file à tous les quatre ans pour mettre son bout de papier dans une urne, rien ne changera. Si la grève de 2012 a été un réveil pour plusieurs étudiantes et étudiants, c’est désormais la société en entier qu’il faut sortir de sa torpeur. De nouvelles contestations ne sauraient tarder, seul leur impact reste incertain¹.
¹ L’exécutif de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), une association étudiante nationale représentant 78 000 étudiantes et étudiants québécois, a proposé lors de son dernier congrès une motion4 visant à préparer, dès 2015, une escalade des moyens de pression visant l’instauration progressive de la gratuité scolaire. Cette proposition a été adoptée.
Aussi, la Société Générale des Étudiantes et Étudiants du Collège de Maisonneuve (SOGÉÉCOM), association regroupant près de 6 000 étudiantes et étudiants, a également proposé deux motions? visant respectivement une campagne de mobilisation en vue d’une grève sociale contre l’austérité dès 2015 ainsi qu’une grève générale illimitée dès 2017, visant l’instauration de la gratuité scolaire.
² journal.aeets.com/article.php?id=51
³ ledevoir.com/politique/quebec/391950/charte-des-valeurs-drainville-defend-le-titre-du-projet-de-loi
4 Les motions se trouvent ci-dessous
Motion de l’exécutif de l’ASSÉ :
« Que l’ASSÉ forme un comité ad hoc de préparation de campagne visant l’obtention progressive de la gratuité scolaire au Québec;
Que ce comité serve à préparer une future escalade de moyens de pression culminant par une grève générale illimitée à moyen terme.
Que les mandats de ce comité soient les suivants :
1. Recherche - Compiler, perfectionner et rédiger des documents de recherche et d’argumentaire en rapport à la gratuité scolaire et offrir un cahier de synthèse destiné aux associations locales;
2. Information - Préparer du matériel d’information et de mobilisation en rapport à la gratuité scolaire;
3. Mobilisation - Émettre des recommandations d’échéanciers, de stratégies et de tactiques de mobilisation en se basant sur des expériences de campagnes similaires au Québec et ailleurs dans le monde;
Que ce comité produise et présente un rapport de ses activités et de son progrès à chaque Congrès et à chaque Conseil de coordination, tout en entretenant un lien régulier avec le Conseil exécutif.
Que ce comité présente son rapport final au congrès annuel de 2015, et que ce congrès évalue la possibilité de dissoudre le comité et d’entamer l’escalade des moyens de pression.
Que ce comité puisse comporter un nombre illimité de membres.
Que soient élu-e-s sur ce comité Lazlo Bonin, Nadia Lafrenière, ___, ___, et ___. »
Motion de la SOGÉÉCOM (grève sociale) :
« Considérant que l’on peut constater une vague populaire à l’échelle mondiale contre l’austérité;
Considérant le fait que le mouvement étudiant - malgré son très grand pouvoir de mobilisation sociale - ne peut à lui seul contrer l’ensemble des mesures d’austérité au Québec et au Canada;
Considérant que la notion d’austérité est large et permet de rejoindre une population bien plus large que la gente étudiante;
Considérant que les conventions collectives de la fonction publique et parapublique arrivent à échéance en mars 2015 et que cette date permettrait à un nombre important de travailleuses et de travailleurs d’entrer en grève de manière légale;
Que l’on centre la campagne nationale de 2014-2015 sur le travail et l’austérité;
Que l’on encourage et que l’on participe à une grève sociale en 2015. »
Motion de la SOGÉÉCOM (grève générale illimitée) :
« Considérant que la campagne 2013-2014 a amorcé avec succès une escalade des moyens de pressions qui pourrait mener à une mobilisation massive de la population.
Considérant que la gratuité scolaire s'inscrit dans une lutte plus globale contre l'austérité économique.
Considérant que l'ASSÉ dispose en ce moment des moyens de mener une campagne offensive visant à réaliser les objectifs qu'elle s'était fixés à sa fondation.
Que l’on poursuive l'escalade des moyens de pression pour l’obtention de la gratuité scolaire;
Que cette escalade des moyens de pression culmine en hiver 2017 par une grève générale illimitée. »