Une année à oublier
En mars 2018, Vincent Larouche, alors candidat à la présidence de l’Association étudiante de l’ÉTS (AÉÉTS) pour le mandat 2018-2019, présentait Des projets pour la prochaine année à l'AÉÉTS[1] dans L’Heuristique.
Advenant son élection, celui-ci s’engageait à :
- Implanter un sondage de satisfaction pour chaque utilisateur et utilisatrice du Registraire;
- Mettre en place un sondage et un comité suivi sur la réalité des parents étudiants;
- Mettre en place une politique interne contre le harcèlement psychologique et sexuel à l’AÉÉTS;
- Déterminer les besoins de la communauté étudiante de l’ÉTS et établir un plan stratégique pour y répondre.
Il avait également pour projet de « [...] permettre aux étudiants et étudiantes bénévoles qui s’engagent dans la communauté universitaire l’octroi de trois crédits [...] » et « [d’établir] une clinique universitaire sur le campus de l’ÉTS. »
Ces engagements surprennent probablement plusieurs lecteurs et lectrices pourtant à l’affût des affaires courantes de l’AÉÉTS. Alors que le mandat à la présidence de Vincent Larouche vient de se terminer, on ne peut que constater que ces projets n’ont pas été mis de l’avant par l’AÉÉTS. En fait, approximativement aucun de ces dossiers n’a progressé substantiellement au cours de la dernière année. Que s’est-il donc passé au cours de cette période pour en arriver à ce constat?
Début de mandat
Dès la première assemblée générale (AG) de son mandat, Vincent Larouche a proposé aux membres de mandater l’AÉÉTS pour mettre en place cette clinique, ce qui a fait consensus[2]. Au cours de cette assemblée, les membres ont également mandaté l’AÉÉTS pour faire la création d’un poste d’ombudsperson à l’ÉTS sa priorité. En effet, ce projet était en cours depuis déjà trois ans à ce moment. Cette proposition a également été adopté par consensus[3].
Déjà lors de l’AG suivante, le 17 octobre 2018, le vernis sur cette nouvelle administration commençait cependant à craquer. Une résolution exigeant que l’AÉÉTS communique mieux l’avancement de ses projets prioritaires, notamment le projet d’ombudsperson, y a par exemple été adoptée. De plus, les élections automnales venaient tout juste de se terminer, avec plusieurs vices de procédures. La participation y avait atteint un nouveau creux, soit 3,1 % à peine, dont un tiers d’abstentions et de votes invalides.
Lors de cette assemblée, dont l’avocat de l’AÉÉTS était président, les membres ont pu apprendre l’existence « [d’avis] juridiques relatifs à l’article I-9 »[4] rédigés par ce dernier. L’article en question établit la supériorité de l'AG sur le conseil d’administration (CA) et le conseil exécutif (CE). C’est également à ce moment que l’AÉÉTS s’est dotée d’un mandat visant à rémunérer ses exécutant(e)s. Cette assemblée a été couverte en détail dans Éluder la démocratie[5], L’AÉÉTS profite de ses membres[6] et À mort l’AÉÉTS[7], publiés dans l’édition de novembre de L’Heuristique.
Concentration du pouvoir
Dès lors, l’opposition s’est mobilisée contre ces abus de pouvoir. En réponse, la situation à l’AÉÉTS ne s’est toutefois pas améliorée, au contraire. Alors que Vincent Larouche terminait ses études à l’ÉTS à la fin du mois de décembre 2018, celui-ci s'apprêtait à perdre son statut de membre et, donc, son poste de président. Plutôt que de déclencher de nouvelles élections, le CA a choisi de contrevenir aux articles I-B-2, I-B-3.2, I-B-5, I-B-12, II-19.1, III-2.4, et IV-12.4 du règlement[4], sans s’y limiter, en prolongeant illégitimement le mandat de Vincent Larouche de quatre mois[8]. Ce sujet est abordé en profondeur dans Traitement présidentiel[9], publié dans l’édition de février de L’Heuristique.
En vue de l’assemblée générale quadrimestrielle d’hiver, tenue le 13 mars 2019, de nombreux avis de motion hostiles envers l’administration de l’AÉÉTS ont été publiés[10]. On y proposait par exemple le renvoi immédiat de Vincent Larouche; la fin du contrat de François Corriveau, l’avocat de l’AÉÉTS; le renversement d’une résolution du CA visant à mettre en demeure Spotted : ETSmtl[11]; le renversement de la résolution visant à octroyer un salaire aux exécutant(e)s; la dissolution de l’AÉÉTS; et la destitution des membres du CE.
Devant une telle contestation, le président a publié deux communiqués sur le site web de l’Association la veille de l’AG. Ceux-ci visaient à mettre à jour les membres sur les projets de l’Association, une obligation mise en place par l’AG[12].
Dans sa première annonce, le président a affirmé qu’un mandat pour une étude de préfaisabilité, quant à la clinique médicale, avait été accordé à la Coopérative de développement régional du Québec, lors de la précédente assemblée du CA. Au moment d’écrire ces lignes, le procès-verbal de cette assemblée n’a toujours pas été rendu public.
Dans la seconde, celui-ci a affirmé que, à la suite de la création du Bureau en prévention et résolution du harcèlement, lequel traite les plaintes d’incivilité, de harcèlement et de violence à caractère sexuel, le mandat de la création d’un poste d’ombudsperson était remis en question. Aucun mandat du CE ou du CA n’a été référencé pour justifier un tel revirement en ce qui a trait au projet prioritaire de l’Association.
AG du quadrimestre d’hiver
Ces deux communiqués n’ont pas eu pour effet de calmer la grogne contre l’administration de l’AÉÉTS. L’AG du 13 mars 2019 a en effet été l’une des plus tendues de la dernière décennie à l’AÉÉTS. Au moment d’écrire ces lignes, le procès-verbal de l’assemblée n’a toujours pas été rendu public par l’Association, mais L’Heuristique a rédigé un procès-verbal non officiel à partir d’un enregistrement de l’assemblée[13].
D’abord, les membres ont refusé d’entériner les règlements adoptés par le CA et ont réaffirmé leur supériorité sur le CA ainsi que sur le CE. Ce faisant, ils ont aussi blâmé le CE d’avoir mandaté secrètement François Corriveau de produire un avis légal défendant la supériorité du CA ainsi que le CE et François Corriveau d’avoir prétendu que ledit avis légal avait force de loi.
Dans le cadre des débats entourant cette motion, Vincent Larouche a affirmé n’avoir jamais entendu parler de ce mandat secret. Pourtant, des enregistrements obtenus par L’Heuristique permettent de confirmer, pour le moins, que l’avocat de l’AÉÉTS prétend avoir produit cet avis légal. Cela permet d’en arriver à quatre possibilités.
D’abord, il est possible que l’avocat de l’AÉÉTS ait travaillé bénévolement et de son propre chef. Ensuite, il est possible qu’il ait lui-même choisi de s’attaquer aux règlements de l’Association avant de facturer ses heures de travail sans les justifier. Il est aussi possible que l’avocat ait inventé cette histoire. Finalement, il est possible que le président ait menti lorsqu’il a affirmé n’avoir jamais entendu parler de cet avis légal. Une de ces possibilités apparaît particulièrement plausible.
Disponibilité des procès-verbaux
Il est impossible de vérifier l'existence et la provenance de ce mandat, le cas échéant, puisqu’aucun procès-verbal des assemblées du CE n’est actuellement disponible pour l’année 2018-2019. En effet, au moment d’écrire ces lignes, le dossier devant contenir ces procès-verbaux n’existe pas sur la plateforme documents.aeets.com. Il est à noter que les articles I-11 et III-1.6 de la charte de l’AÉÉTS[4] obligent l’AÉÉTS à publier ses procès-verbaux publics sur son site web, et ce, aussi rapidement que possible.
Plusieurs exécutants ont affirmé que ce manquement était causé par l’absence, pure et simple, d’assemblées du CE, celles-ci ayant été remplacées par des rencontres informelles. Le cas échéant, cette situation serait en contravention avec l’article III-1.3.3 du règlement[4], lequel exige la tenue d’une de ces assemblées chaque mois.
Il est à noter que ce règlement a été modifié à deux reprises depuis avril 2017 afin de réduire la fréquence de ces assemblées. Celles-ci avaient initialement lieu toutes les deux semaines, à l’exception du quadrimestre d’été, où elles avaient lieu toutes les quatre semaines. Cette fréquence a été réduite à une fois par mois, et ce, pour les trois quadrimestres. Plusieurs procès-verbaux du CA demeurent également manquants à ce jour.
« Je crois que la transparence et l’honnêteté sont les plus grandes vertus que je puisse apporter. » - Vincent Larouche
AG du quadrimestre d’hiver [bis]
Les membres ont ensuite renversé la résolution visant à octroyer un salaire aux exécutant(e)s. Cette résolution était accompagnée de blâmes contre François Corriveau et le CE respectivement pour avoir jugé que la proposition était recevable et pour avoir agi de manière à tromper les membres, ainsi que pour des conflits d’intérêts.
L’assemblée a ensuite procédé au renversement de la résolution concernant Spotted : ETSmtl. Cette décision était accompagnée d’un autre blâme, cette fois-ci contre le CA, lequel inclut les membres du CE.
Après ce troisième pied de nez, Vincent Clément, ancien exécutant, et Jessy Anglehart-Nunes, exécutant, ont proposé de passer immédiatement au second avant-dernier point à l’ordre du jour, lequel portait sur l’indépendance du Regroupement des activités des clubs étudiants (RACÉ).
Bien que plusieurs membres de l’assemblée aient été actifs au sein de clubs étudiants du RACÉ, la proposition a été rejetée et l’assemblée a pu poursuivre son cours comme prévu. Visiblement irrité, Jessy Anglehart-Nunes a demandé un recomptage, malgré le rejet sans équivoque de la proposition qu’il venait d’appuyer. Il s’agissait déjà du troisième depuis le début de l’assemblée. Le verdict : 10 votes en faveur, 73 votes en défaveur et 6 abstentions.
Les membres ont ensuite traité deux motions sans avis concernant respectivement la communication des urgences ainsi que la participation aux AG, avant de retourner au point « Avocat » de l’ordre du jour. De retour à ce point, l’assemblée a résolu de mettre fin au contrat de François Corriveau et de ne plus faire affaire avec lui. Deux autres motions sans avis ont ensuite été adoptées au sujet, d'abord, de la participation aux AG et, ensuite, du suivi des plaintes à l’AÉÉTS.
La dernière proposition litigieuse, celle de renvoyer immédiatement Vincent Larouche, a finalement été proposée, mais n’a pas reçu l’appui nécessaire à son traitement. Celle-ci a donc été rejetée automatiquement. Il ne restait alors que quatre points à l’ordre du jour, soit : « Prise de position environnementale », « Indépendance du RACÉ », « DG » et « Levée ».
Dans le premier, les membres ont pris position en faveur de la préservation de l’environnement et des écosystèmes ainsi que du mouvement La planète s’invite à l’université. Ensuite, il a été décidé de rendre indépendant le RACÉ, tout en lui accordant une cotisation automatique non obligatoire de 12 $ par session, pour chaque membre. Au point « DG », l’assemblée s’est positionnée en défaveur de la candidature de Jean Belzile au poste de directeur général.
La levée de l’assemblée a été adoptée à 20 h 25, soit près de trois heures après son ouverture. Malgré le message clair envoyé par les membres, avant la fin de la semaine, des administrateurs avaient déjà rédigé des motions visant à revenir sur les décisions prises par ces derniers.
Heureusement, de nombreuses démissions ont mené à l’impossibilité, pour le CA et le CE, d’atteindre le quorum nécessaire à validité de leurs assemblées, et cela, jusqu’à la fin du mandat de Vincent Larouche. Ces motions n’ont donc jamais été proposées.
Nouvelle administration
Après des élections bâclées ayant fait l’objet de nombreuses plaintes en raison de contraventions ou d’irrégularités par rapport à une dizaine de règlements de l’Association (I-A-3.1, I-B-17.1, I-B-17.2, IV-1.2, IV-6, IV-10, IV-13, IV-14, IV-15, IV-18.1, etc.)[4], l’AÉÉTS s’est finalement dotée d’une nouvelle administration, laquelle paraît vouloir se démarquer de l’administration précédente. Par exemple, afin de valider les résultats de l’élection hivernale conformément au règlement, il était nécessaire de convoquer une assemblée générale spéciale, ce qui a été fait, malgré l’effort supplémentaire que cela nécessitait.
Il reste à espérer que de tels gestes de bonne foi se multiplieront au cours de la prochaine année et que les membres de l’AÉÉTS pourront passer outre les abus perpétrés sous la présidence de Vincent Larouche. On peut aussi souhaiter que l’AÉÉTS mène à bien son mandat prioritaire : la création d’un poste d’ombudsperson à l’ÉTS.
[1] Des projets pour la prochaine année à l'AÉÉTS, L’Heuristique bit.ly/2JIkThH
[2] Résolution AG-2018-07-04_39_001-6.1 bit.ly/2VJy88U
[3] Résolution AG-2018-07-04_39_001-6.5 bit.ly/2Jo4GyU
[4] Charte de l’AÉÉTS documents.aeets.com/Charte
[5] Éluder la démocratie, L’Heuristique bit.ly/2NZ0d3n
[6] L’AÉÉTS profite de ses membres, L’Heuristique bit.ly/2w45foY
[7] À mort l’AÉÉTS, L’Heuristique bit.ly/2WTDrzu
[8] Résolution CA-2018-12-12_39_002S-5.1 bit.ly/30rUY3F
[9] Traitement présidentiel, L’Heuristique bit.ly/2VGQt6T
[10] Avis de convocation AG-2019-03-13_39_003 bit.ly/2WN7BnH
[11] Page Facebook Spotted : ETSmtl fb.me/SpottedETS
[12] Résolution AG-2018-10-17_39_002-6.1 bit.ly/2W9Vggu
[13] Procès-verbal non officiel de l’AG du 13 mars 2019 bit.ly/2WLrvzn