L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

De quoi nous souvenons-nous vraiment, au Québec?

Avril 2013 » Opinions » Par Félix-Antoine Tremblay, étudiant de maîtrise, chef de pupitre du JETS

Voici ce que j’écrivais dix jours avant les élections provinciales de 2012 :  

« Dans un système électoral bipartite comme celui du Québec des 50 dernières années, voter pour le parti le moins pire c'est contribuer à la continuation de celui-ci, un pas de plus vers l'échec complet du système en place. 

Quand le parti devant nous sauver du parti dont on veut se débarrasser n'offre ni la proportionnelle, ni le référendum d'initiative populaire sans droit de veto de la part du gouvernement en place, on sait que la situation sera de retour dans quatre ou huit ans. 

Le parti qui est aujourd'hui détesté de tous et de toutes retravaillera son image pour nous servir le même discours dans quelques années : « [Vous devez vous libérer de ce gouvernement dysfonctionnel, nous sommes le seul parti pouvant aspirer au pouvoir (grâce au vote « stratégique »), vous devez donc voter pour nous] ». C'est un discours semblable qu'avait tenu Jean Charest lors de la campagne précédant l'élection du Parti libéral du Québec (PLQ) en 2003.

Tout comme pour la loi 12 et le retour en classe, le travail des médias, bien que connu de la plupart des citoyens et citoyennes, est très efficace. La question des frais de scolarité a complètement été éclipsée par la question de la division du vote. Est-ce même un enjeu électoral? On assiste actuellement au combat entre deux partis qui tiennent à cacher leurs bilans catastrophiques. Deux partis corrompus et sans convictions qui travaillent de concert afin de se partager le pouvoir le plus longtemps possible. En effet, le parti sortant et notre nouveau gouvernement se seront partagé le pouvoir depuis 1970, et ce, de façon presque égale, soit 24 ans et 22 ans respectivement.

Nous sommes donc en droit de nous demander si le vote réellement stratégique ne serait pas plutôt de voter en masse pour un parti offrant, dès maintenant, une porte de sortie à ce système gangrené ou d'envoyer un message clair en annulant nos votes. »

Plusieurs avaient critiqué à l’époque cette vision pessimiste de ce que les médias appellent la « démocratie ». Pourtant, l’histoire montre encore une fois que cette mascarade ne fait qu’enliser toujours un peu plus le Québec dans son immobilisme. Albert Einstein disait : « La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent. » Le Québec serait donc majoritairement composé de folles et de fous, du moment où la population votante espérait vraiment changer les choses. Peut-être certaines personnes se plaisent dans le système actuel, sait-on jamais. Une chose est certaine, c’est que la classe politique s’y plait bien. Le plus choquant dans tout ça, c’est leur impunité. L’impunité de cette élite qui dit quelque chose devant les foules, mais qui dit tout le contraire autour d’un repas à quelques milliers de dollars, en compagnie du Conseil du patronat.

Il ne faut jamais oublier qu’une fois au pouvoir, un gouvernement majoritaire n’a non seulement pas à respecter sa parole, mais il n’a même pas à s’inquiéter de perdre le pouvoir, du moins, pour cinq ans¹. Quand bien même il serait minoritaire, il n’a pas trop à s’inquiéter, du moment où les autres élus sont satisfaits et satisfaites de leur situation respective. Il ne faut donc pas chercher trop loin pour comprendre ce qui a fait reculer le Parti québécois (PQ) sur la question du référendum d’initiative populaire. Aucun des trois partis « aspirant au pouvoir », ayant recueilli au total plus de 90 % des voix, n’est en faveur de la proportionnelle ni du référendum d’initiative populaire. S’agirait-il d’un syndrome de Stockholm sociétal ou sommes-nous simplement stupides?

Encore aujourd’hui, plusieurs se réjouissent de l’élection du Parti québécois, lequel a « sorti » les libéraux de Jean Charest. Ce que ces gens ne comprennent pas, ou nient, c’est que le gouvernement actuel agit de façon encore plus néolibérale que le précédent, notamment en raison de son obsession grave pour le déficit zéro. Il multiplie les coupes dans les écoles, dans les garderies, dans l’aide sociale et j’en passe, des mesures que même les libéraux trouvaient trop sévères pour les appliquer. La différence majeure entre le PQ et le PLQ, mis à part le « L », c’est qu’au moins, les libéraux n’ont pas fait semblant d’être à gauche pour se faire élire.

Que vous soyez à gauche, à droite, souverainistes ou fédéralistes, vous ne pouvez pas nier que le système actuel est malade. Il faut le changer et ce n’est pas en tentant à nouveau ce qui a échoué par le passé que ça se fera. Formerons-nous une deuxième génération de gens blasés qui défendront corps et âme le statu quo, ce calme rassurant? De quoi nous souvenons-nous vraiment, au Québec?

Cinq ans¹ : un mandat se terminant au plus tard à la fin de sa quatrième année.