L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Nouveautés en développement durable

Mai 2014 » Technologie » Par Marc-Antoine Meilleur, Joël Gagnon, étudiant de génie mécanique

Nous sommes toutes et tous conscients à un certain degré des défis et problématiques que l’humanité devra affronter prochainement : crise énergétique, crise alimentaire, changements climatiques, etc. Il est totalement irrationnel de croire qu’en conservant notre mode de vie actuel, le destin de l’Homme sera plus coloré. Heureusement, d’innombrables alternatives durables sont possibles et accessibles à toutes et à tous. C’est notre responsabilité, en tant que futurs ingénieurs et ingénieures, d’avoir une ouverture d’esprit face à ces façons de faire, de participer au mouvement et de le propager. C’est dans cette optique que nous avons participé à une formation traitant traitant des « technologies du futur ». L’article suivant est une introduction aux types d’écoconstruction « Earthship » et de serres passives, ainsi qu’aux méthodes agroalimentaires de permaculture, d’aquaponie, et de myciculture.

La première partie de la formation était une introduction au « Earthship ». Le « Earthship » fait partie de la grande famille des écobâtiments. On le reconnaît par sa structure de pneus remplie de terre, ses grandes fenêtres avant fixant le sud et son mur arrière enfoui sous terre. L’objectif de son créateur, Michael Reynolds, était de créer une maison autosuffisante en énergie, en nourriture et en eau, en plus d’être majoritairement fabriquée à base de matériaux recyclés. Depuis 40 ans, ce concept a évolué tout en suivant les principes fondamentaux que voici :

1. Alchimie : transformer les ordures en or pur!

Le modèle de base utilise majoritairement des matériaux recyclés et naturels pour sa construction. Par exemple, on construit les murs avec des pneus usagés remplis de terre compactée. Ce type de construction est presque gratuit et permet une construction plus artistique en utilisant des formes originales plutôt que rectangulaires.

2. Chauffage passif : profiter des phénomènes naturels

Le design du toit est conçu pour que le soleil d’hiver pénètre dans la maison afin de transmettre son énergie, mais qu'il soit bloqué en été. On équilibre ensuite l'ensemble de la température à l'aide d'un système de circulation d’air utilisant des trappes judicieusement localisées et un système de géothermie passif. Ce dernier système régularise l’entrée d’air à 10 degrés Celsius pendant toute l’année; on nomme également cette méthode le Puit canadien.

3. La masse thermique : la maison est une batterie thermique

Les « Earthship » sont majoritairement faits de terre, laquelle possède une excellente masse thermique. La chaleur accumulée le jour est donc transférée dans la maison pendant la nuit. Cette masse thermique est principalement chauffée l’hiver, puisque le soleil pénètre peu dans la maison l'été. De plus, la masse thermique ne se trouve pas seulement dans les murs, mais également dans le plancher, ce qui est parfait pour chauffer l'air ambiant et nos pieds en plein mois de janvier!

4. Serre passive : production interne de nourriture

Une serre est connectée au bâtiment sur toute sa longueur et est autant éclairée par le soleil d’été que d’hiver. De plus, elle sert de zone tampon afin d’équilibrer la température de la maison. On peut y cultiver des légumes l’hiver, puisque sa température ne descend pas en bas de 10 degrés la nuit en hiver, et ce, même sans chauffage d’appoint.

5. Isolation stratégique

Il y a trois endroits très importants où l'on doit isoler le « Earthship ». L’endroit le plus important est le toit puisque c’est là qu’il y a le plus de pertes de chaleur. Ensuite, le côté nord, quasiment pas chauffé par les rayons du soleil, abrite les réservoirs d’eau. Finalement, il faut isoler les murs est, sud et ouest, car cette construction n’a pas de fondations, ce qui permettrait autrement au gel de traverser. Pour un meilleur confort, il est souhaitable d’isoler le plancher, car il repose directement sur le sol ayant une température de 10 degrés à l’année. Il faut ajouter une couche d'environ 1 pied de terre par-dessus son isolant. Aussi, on isole toujours sous la masse thermique pour profiter de sa capacité à emmagasiner de l'énergie et limiter ses pertes vers l’extérieur.

6. Le cycle de l’eau : réutilisation jusqu’à la dernière goûte!

L’eau de pluie est accumulée à l'intérieur de réservoirs localisés sous terre à l’arrière du bâtiment. À la base du cycle, l'eau potable est purifiée une première fois à l’entrée des réservoirs. Ensuite, dépendamment de son utilisation, elle sera filtrée différemment par différents systèmes de filtration. L'eau qui ne nécessite pas d'être potable (douche, lavabo) ne sera filtrée qu'une seule fois tandis que l’eau potable fera l’objet un filtrage supplémentaire pour éliminer toute trace de pathogènes. Les eaux grises sont rejetées dans la fosse étanche où poussent les végétaux de la serre et seront ainsi filtrées à de multiples reprises par les racines. Cette eau sera ensuite réutilisée pour alimenter la toilette. Les eaux noires provenant de la toilette et de l’évier de cuisine sont dirigées vers la fosse septique et finalement vers des plantes non comestibles à l'extérieur de la maison.

L'ensemble de ces six points est un aperçu général des principes qui fondent le « Earthship ». Ce sont des principes très simples et, lorsqu’utilisés ensemble, ont un pouvoir énergétique très intéressant. En gros, le « Earthship » permet à son passager ou à sa passagère de combler tous ses besoins de base (confort, énergie, eau et nourriture) sans nuire aux besoins des autres, d'où son aspect très durable. On peut également réutiliser la majorité des concepts énumérés ci-dessus pour fabriquer une serre passive. Comme le « Earthship », en combinant les principes de base, une serre a le potentiel d'être très efficace énergétiquement et donc très abordable à moyen et long terme. Il faut tout simplement ne pas avoir peur de se salir les mains et apprendre à développer son pouce vert.

Par la suite, la formation s’est concentrée sur la permaculture, l’aquaponie et la myciculture. L’orateur abordant ces sujets n’était nul autre que Vincent Leblanc, agronome, M.Sc. et fondateur de la compagnie Violon et champignon. Pionnier au Québec dans les méthodes de cultures alternatives et écologiques, il fut lui-même impliqué au tout début dans un regroupement étudiant à l’université Laval cultivant un potager sur le campus tout en testant ses premiers systèmes aquaponiques. Il possède actuellement un laboratoire de production de mycélium, constituant de base des champignons utilisé lors de la démultiplication, et s’installe présentement dans de nouvelles installations à Ste-Lucie-des-Laurentides afin de pouvoir offrir des formations pratiques et grossir sa production.

Vous voulez maintenant en savoir plus sur la permaculture, l’aquaponie et myciculture? La permaculture est en fait une forme d’agriculture axée sur le développement durable, le respect des écosystèmes et sur l’aménagement du territoire. Pourquoi ne pas travailler avec la nature au lieu de se battre contre? C’est un peu la philosophie des adeptes de cette méthode de culture. Il suffit de favoriser des processus naturels créant une synergie entre les différentes formes de vie d’un écosystème pour maximiser la production potagère. Par exemple, en plantant des champignons à proximité de plans de chou de Bruxelles, le rendement global peut tripler.

L’aquaponie est une technique de culture de végétaux associée à l’élevage de poissons. Cette technique recrée un petit écosystème où les poissons disposés dans un bassin sont alimentés par une source végétale ajoutée et dont l’eau souillée par leurs déjections circule dans le reste du système pour être filtrée. Un petit filament d’eau souillée passe dans les tables de plantations où il est filtré par les plantes qui y prennent les nutriments nécessaires à leur croissance. Ce type de système peut produire une très grande quantité d’aliments sur une très petite superficie, sans utilisation d’engrais et on peut même manger les poissons!

Maintenant, mais qu’est-ce que la myciculture? C’est tout simplement la culture du champignon, mais ce n’est pas une culture simple à réaliser. Durant le processus d’inoculation, soit l’apport de bactérie pour créer le mycélium, tout doit se faire dans un environnement contrôlé et stérile. Ensuite, il faut trouver une matière organique pour y ajouter le mycélium en laissant aller notre imagination pour choisir un support, par exemple : un potager, un rondin, un sac, unechaudière trouée, etc.

Une multitude de solutions à nos problématiques environnementales et sociales viennent de vous être partagées suite à la formation que nous avons suivie avec Solution ERA. On peut opter pour une autonomie énergétique et une valorisation des ordures avec les « Earthships ». Les serres passives permettent de briser notre dépendance aux aliments importés en ayant une production de fruits et légumes pendant toute l’année. C’est également possible de maximiser la production alimentaire avec des techniques révolutionnaires comme la permaculture et l’aquaponie et même de se protéger contre les maladies en consommant des champignons médicaux poussant dans nos jardins. Restez alerte, parce qu’un projet étudiant sera bientôt lancé à l’ÉTS dans le but de construire une serre passive abritant une culture aquaponique. Lançons ces initiatives pionnières qui, par leur côté visionnaire, nous offrent de nouveaux horizons, de véritables raisons de croire en l’avenir.