L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

L’austérité au menu

Juillet 2014 » Opinions » Par Félix-Antoine Tremblay, étudiant de maîtrise, chef de pupitre de L’Heuristique

Il y a à peine plus de deux mois, le Québec était en élections. Alors que l’on se questionnait sur la pertinence de ces élections¹, on doit aujourd’hui s’interroger sur la pertinence des sujets ayant été abordés pendant celles-ci : Charte des valeurs², aide à mourir, langue française et indépendance du Québec, notamment. Rarement a-t-on vraiment abordé le sujet qui est aujourd’hui sur toutes les lèvres : le budget du Québec. Ces élections étaient un cirque afin de détourner l’attention des vrais problèmes. Rien d’étonnant, considérant que les trois vieux partis sont tous en accord sur la méthode à appliquer : l’austérité. Il semble toutefois que ce mot ne soit pas très populaire dans la bouche de notre élite politique, laquelle préfère de loin parler de « sérieux », de « rigueur », de « juste part » ou d’autres termes que notre « gros bon sens » sait apprécier. Rien d’étonnant là non plus, car les politiques d’austérité ne fonctionnent pas³. En effet, partout où de telles mesures ont été appliquées, les résultats n’ont pas été au rendez-vous.

Il faut se rappeler que le gouvernement péquiste, appliquant lui-même des mesures d’austérité, n’avait pas su atteindre le déficit zéro, au contraire : le déficit pour 2013-2014 étant évalué à 3,1 milliards de dollars⁴ alors que le déficit pour 2012-2013 n’était que de 1,6 milliard de dollars⁵. Malgré tout, le gouvernement libéral prévoit quant à lui le retour à l’équilibre budgétaire dès 2015-2016. Pendant son mandat, le Parti québécois avait procédé à l’ajout d’un quatrième palier d’imposition sur le revenu afin d’augmenter ses revenus, bien qu’il avait promis en 2012 d’en ajouter deux, et ce, à des taux plus élevés⁶. Dans son récent budget, le Parti libéral (PLQ) prévoit quant à lui conserver les taux d’imposition sur le revenu intacts, mesure toujours populaire, voire simplement populiste. Le PLQ prévoit plutôt aller chercher de nouveaux revenus via un système d’utilisateur payeur, tout en se gardant de toucher à nouveau aux frais de scolarité en se contentant de maintenir la hausse péquiste, pour l’instant du moins. Les frais de garderie seront pour leur part augmentés à 7,30 $ dès le 1er octobre 2014 et la taxe santé conservée, malgré la promesse libérale d’annuler la hausse des frais de garderie ainsi que la taxe santé⁷. La taxe sur l’alcool et sur le tabac sera également augmentée⁸. Le reste du déficit sera comblé par des coupes dans les ministères, notamment : 19,4 % au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 9,6 % au ministère des Relations internationales et de la Francophonie, 5,6 % au ministère de la Sécurité publique, 4 % au ministère du Travail et 92,5 millions de dollars (2,1 %) au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale⁹.

Alors que le gouvernement coupe au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, il relance le Plan Nord avec un investissement de 1,25 milliard de dollars⁹, un projet fortement dénoncé pour ses impacts désastreux sur l’environnement. Alors que le gouvernement annonce vouloir « donner de l’air » à la classe moyenne, il augmente les frais des services gouvernementaux ainsi que les taxes régressives, tout en maintenant sa taxe santé, également régressive. Alors que le gouvernement cherche à contrôler ses dépenses, les 10,8 milliards de dollars que représente le service de la dette, soit 11 % de l’ensemble des dépenses consolidées du Québec⁴, passent sous le radar.

Il est de plus en plus évident que nos partis politiques ne sont aucunement de confiance en ce qui a trait à leurs promesses ou à aborder les sujets de réelle importance. Il est grand temps de s’interroger à savoir si l’on désire continuer à être pris à la gorge par une dette basée avant tout sur des intérêts calculés sur des intérêts ou par des entreprises qui vivent aux dépens de la population, et de l’environnement. Il est également temps de s’interroger sur nos choix de société, à force de penser à boucler un budget dans 12 mois, on oublie de regarder l’impact de ces décisions dans 10, 20 ou 50 ans. Tout comme pour les frais de scolarité universitaires maintenus à 500 $ par année jusqu’en 1989, aujourd’hui à 2 224 $¹⁰, il ne sera pas temps de se demander si l’on veut des garderies gratuites quand elles seront entre 23 et 31 $ par jour comme ailleurs au Canada¹¹. En fait, il est simplement temps de cesser de faire confiance à notre élite politique, laquelle est de plus en plus clairement une nuisance. Voici par exemple quelques pistes de solution suggérées par l’Association pour une solidarité syndicale étudiante en 2012, lesquelles permettraient d’atteindre l’équilibre budgétaire et plus encore, sans couper dans les précieux services publics, des solutions écartées d’office par le gouvernement.

 

¹ http://bit.ly/Un1ENZ

² http://bit.ly/1pTUxcG

³ http://bit.ly/1kQpXPd

⁴ http://bit.ly/SG3Oa1

⁵ http://bit.ly/SG3OGW

⁶ http://bit.ly/1kQq3pX

⁷ http://huff.to/1iekBaL

⁸ http://bit.ly/TrLXEC

⁹ http://bit.ly/1hwKnff

¹⁰ http://bit.ly/1p8T2V8

¹¹ http://bit.ly/1lgKefw

 
Nouvelles sources de revenus gouvernementaux suggérés.
Association pour une solidarité syndicale étudiante - http://bit.ly/1phLYZa