L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Le Pire cauchemar

Septembre 2015 » Vie étudiante » Par Félix Cloutier, étudiant de génie logiciel, rédacteur en chef de L’Heuristique

Après avoir passé les cinq dernières années de ma vie à l’ÉTS, j’espérais que mon article de septembre 2015 soit un message de bienvenue aux universitaires venus prendre la place que je j’aurais enfin cédée. Malheureusement pour vous, nouveaux et nouvelles, je vais devoir la garder – et ce n’est pas de plein gré.

Tous les finissants et finissantes ont le même cauchemar : après avoir trouvé un emploi qui commencera après leur graduation imminente, recevoir un message du Bureau du registraire les informant qu’ils ne peuvent pas terminer leur baccalauréat.

Heureusement, la plupart d’entre eux se font du sang d’encre pour rien, et finissent comme prévu. Par contre, une petite minorité fait un mauvais calcul, manque d’attention, échoue à un cours; pour eux, le cauchemar se matérialise.

Si je peux me permettre, ma situation est particulièrement absurde. Je n’ai échoué à aucun cours et j’ai une moyenne cumulative de 3.4. La raison pour laquelle je reste coincé à l’ÉTS au lieu de m’envoler vers mon premier emploi, ce n’est pas que j’ai sous-estimé le dernier examen de Lévis Thériault (dont mes collègues en génie logiciel ou génie des TI feraient cependant bien de se méfier). C’est parce que je me suis uniquement inscrit à 4 de 5 cours optionnels du baccalauréat en génie logiciel, tout simplement.

Mais avant tout, la sûreté du système

Il y a presque 5 ans de ça, je commençais le cours « Tests et maintenance » dans la classe du professeur Alain April, qui expliquait l’importance des processus en entreprise. Si ma mémoire ne se dérobe pas sous mes doigts, l’histoire allait comme suit : au début de sa carrière, il a implanté une mauvaise modification dans le système informatique de Desjardins, et l’équivalent de milliers (ou de millions; vous lui demanderez) de dollars de transactions a été perdu.

« Est-ce que c’était de ma faute, » demandait-il, « que j’aie fait cette erreur-là? » Une certaine part de responsabilité lui était inévitablement affublée; mais d’autre part, qu’est-ce que la coopérative avait fait pour éviter ce genre de défaillance?

J’ai été déçu de ne pas l’avoir comme enseignant pour le cours « Assurance qualité du logiciel ». Ce cours présente plusieurs notions sur la qualité du logiciel, et notamment celle de la sûreté du logiciel. Un logiciel sûr est un logiciel qui ne mènera pas à une situation catastrophique; tout défaut exclu, on peut aussi dire que c’est un logiciel au travers duquel il est difficile de commettre une erreur grave.

Comment peut-on oublier de s’inscrire à un cours?

Cette question n’a pas manqué de surgir à chaque nouvelle personne que j’ai informée de ma situation. Ma réponse est invariable : je n’ai pas oublié de m’inscrire à un cours, j’étais convaincu que je n’avais pas d’autre cours à prendre. La source de mon assurance : Cheminot.

Assurément, je suis la personne qui s’est inscrite cet été avec une carence de trois crédits. Mais d’autre part, qu’est-ce que l’ÉTS a fait pour m’éviter ce genre d’erreur?

L’aide de Cheminot indique que le logiciel d’inscription devrait afficher, dans l’onglet Consultation → Info. générale, le nombre de crédits cumulés et le nombre de crédits requis pour graduer. Or, le nombre de crédits requis n’apparaît pas, ou plus.

Savez-vous combien de crédits il vous faut pour terminer votre baccalauréat? Présentement, on retrouve les informations suivantes sur le site de l’ÉTS (onglet Programmes d’étude → Baccalauréats) :

J’ai réalisé à mes dépens que l’autre indice de progression, le « cheminement comprimé », n’affiche rien de plus que presque tous les cours nécessaires à la réussite du baccalauréat.

D’après l’analyste de l’informatique Robert Gervais, qui travaille sur Cheminot, la situation pourrait être anormale. « L’onglet du cheminement comprimé présente le cheminement type. S’il comporte une incohérence ou des omissions, il faut alors communiquer avec le département associé. » Le message a été transmis trop tard au département de génie logiciel pour obtenir leur avis avant la publication du Journal.

Les conseillers académiques

D’autres universités de calibre mondial (un qualificatif apprécié par l’administration actuelle de l’ÉTS) offrent des services de planification plus avancés à leurs étudiants et étudiantes au baccalauréat. L’Université McGill prophétise ainsi :

If you don’t know exactly what you need to do to graduate, you may well find yourself in school longer than you expected.

L’université anglophone propose l’outil libre-service Degree Evaluation pour résumer le progrès de ses universitaires. Il énumère les cours requis, les cours qui ont été pris, les cours présentement suivis, et les cours qui restent à suivre.

De plus, les étudiants et étudiantes doivent rencontrer un advisor (conseiller ou conseillère) pour mieux comprendre la structure de leur programme et planifier leur baccalauréat. Les advisors peuvent notamment utiliser l’outil Degree Evaluation pour aider les universitaires dans leurs choix, ou informer des collègues de la situation d’un étudiant.

Le concept d’academic advising n’est absolument pas unique à McGill. Toujours à Montréal, il semble que les étudiants et étudiantes de Concordia en ingénierie et en informatique doivent rencontrer un conseiller lorsqu’il leur reste moins de 40 crédits à compléter pour obtenir leur diplôme. De son côté, le SAFIRE de l’Université de Montréal (semblable aux SAÉ d’ici) place gratuitement des conseillers et conseillères à la disposition des universitaires qui seraient intéressés à les rencontrer.

Dans un plus large rayon, la National Academic Advising Association est un organisme sans but lucratif qui regroupe les professionnels et professionnelles du domaine. Il compte plus de 10 000 membres au travers de virtuellement toutes les universités des États-Unis et de plusieurs universités canadiennes. La gestion de l’organisation est séparée en régions, et la première région englobe le nord-est des États-Unis et du Canada, Québec compris.

L’organisme, qui chapeaute notamment des études sur l’aide aux étudiants et étudiantes, recense trois grands modèles : le prescriptive advising, le developmental advising et l’intrusive advising. Le premier, perçu comme le moins intéressant, pose les advisors comme des ressources accessibles sur demande aux étudiants et étudiantes. Le second assigne spécifiquement un advisor à chaque étudiant et étudiante et encourage le développement d’une relation entre les deux. Le dernier suggère que le conseiller ou la conseillère initie le contact avec les étudiants et étudiantes à l’approche d’étapes importantes de leurs études, comme lors de la première année d’études et à la graduation.

Interrogés pour l’occasion, quelques-uns de mes amis du reste de l’Amérique du Nord confirment la prévalence des conseillers et conseillères dans leurs universités. L’un de ceux-ci, diplômé de l’Oregon State University, me promet que l’encadrement dont bénéficient les presque 30 000 universitaires de l’établissement rendrait ma situation impossible. Chaque étudiant et étudiante au baccalauréat doit inconditionnellement rencontrer son conseiller ou sa conseillère à chaque année.

Alors que la plupart des universités de ce continent mettent proactivement de l’avant des ressources pour assurer aux étudiants qu’ils gradueront dans les délais prévus, comment un étudiant incertain à l’ÉTS peut-il vérifier qu’il obtiendra son diplôme? Interrogée à cet effet, Lucie Caron, agente à la gestion des études au département LOG/TI, conseille de payer 3 $ au Bureau du registraire pour procéder à l’analyse du dossier.

Et la fin de mon histoire? Les carottes étaient déjà cuites depuis plusieurs semaines quand j’ai appris qu’il me manquait un cours. Impossible d’ajouter un cours à son horaire à une semaine de la fin de la session, et impossible de m’en faire créditer un.

J’ai accroché mes patins : mon déménagement à Seattle et mon travail sont retardés de trois mois le temps que je passe GTI619, Sécurité des systèmes, dans la session qui s’annonce la plus ennuyeuse de ma vie. Considérant mon curriculum en sécurité informatique, je me sens comme un membre de RockÉTS à qui la NASA aurait offert un emploi, mais auquel il manque encore un cours d’introduction aux fusées pour obtenir son diplôme.

Bref, d’ici à ce que le DDST remplace Cheminot pour de bon (un projet lancé il y a maintenant quatre ans), ne vous faites pas prendre comme moi!

 
Écran de cheminement comprimé au baccalauréat en génie logiciel. Les cours bleus sont réussis, les cours gris pâle n’ont pas été suivis, et les cours gris foncé sont suivis à la session actuelle. Sans savoir combien de crédits doivent être réussis, vous semble-t-il que cet étudiant termine son baccalauréat?
Image cédée au domaine libre.