L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Un Avenir incertain

Novembre 2013 » Opinions » Par Félix-Antoine Tremblay, étudiant de maîtrise, chef de pupitre du JETS

Ayant travaillé au service du géant Best Buy pendant plus de quatre ans, pour sa filiale Future Shop, j’ai pu observer de grands changements quant à la satisfaction des employées et employés relativement à leur emploi durant cette période. La crise économique de 2008 et la montée des marchands d’électronique en ligne a durement frappé l’entreprise qui affichait des pertes record de 1,82 milliard de dollars (USD) pour le quatrième quart de 2011 (409 millions de dollars (USD) (Q4 2012)). La stratégie adoptée par l’entreprise pour contrecarrer sa baisse de marché a été de miser sur ses ventes en ligne en parallèle avec une réduction de ses dépenses, notamment en main d’œuvre. Cette stratégie a gravement affecté l’ambiance de travail dans l’entreprise, laquelle mettait à pied 900 employés et employées en février dernier. Je suis d’avis que la stratégie de l’entreprise mettra fin à son existence dans les années à venir. Toutefois, n’ayant pas travaillé chez Best Buy, je me concentrerai ici sur Future Shop.

Future Shop a toujours su miser sur l’expérience de la clientèle pour justifier son existence : des produits à la fine pointe de la technologie et des expertes et experts en produits pour servir sa clientèle, le tout à prix compétitifs. La taille de l’entreprise lui a toujours permis de vendre à très bon prix. C’est ce qui a d’ailleurs mené Best Buy à construire ses magasins en face de ses propres succursales Future Shop, la compagnie ayant été achetée en 2001. Cette stratégie a eu pour effet de neutraliser ses petits concurrents, lesquels offraient un meilleur service. Suite à la construction d’un deuxième magasin, on pouvait effectivement compter, pour les deux succursales combinées, des ventes de 50 % supérieures aux ventes du premier magasin. Toutefois, suite à la mise à mort de ses concurrents en raison de ses prix avantageux, la compagnie s’est fait jouer le même tour par les géants de la vente en ligne. Ceux-ci n’ayant qu’un site web et un entrepôt à payer, il est impossible pour Best Buy de rivaliser avec leurs prix. La vente en ligne a toutefois des défauts, notamment le temps d’attente et l’absence de service, pré-vente et après-vente.

On ne peut effectivement pas dire que la majorité de la population est apte à acheter de l’électronique sans conseils d’experts et d’expertes, comme on ne peut pas dire que celle-ci est prête à attendre une semaine ou plus pour obtenir son achat de même que pour l’échanger en cas de problème. Future Shop pourrait donc toujours s’en tirer en misant sur ces deux caractéristiques. Toutefois, l’entreprise a plutôt décidé de miser sur le marché en ligne dans une tentative de sauvetage désespérée. Cette décision est absurde, car elle remet en question les deux seuls avantages de la compagnie. Tout à fait, dans l’optique d’offrir des prix toujours plus bas, celle-ci ne cesse de couper dans la main d’œuvre : l’expérience de la clientèle. De plus, ces coupes sont jointes à une baisse de l’inventaire en magasin, obligeant souvent les clientes et les clients à attendre la livraison de leurs produits. Future Shop se retrouve en ce moment dans une situation incertaine, rien ne justifiant vraiment son existence, l’entreprise n’offrant pas les meilleurs prix, le meilleur service ni l’assurance d’avoir des produits en stock.

C’est ainsi qu’en l’espace de quatre ans, l’ambiance en magasin est passée de très bonne (la compagnie offrait à l’époque des salaires concurrentiels mêlés à de bons avantages sociaux) à passable. Dans mes derniers mois parmi les rangs de l’entreprise, il n’était pas rare que des gens avec qui je ne discutais que très rarement m’entretenaient de leur mécontentement grandissant, sans parler de ceux et celles avec qui je discutais fréquemment. Il faut savoir que seuls les dirigeantes et dirigeants de l’entreprise, pour ne pas dire les actionnaires, semblent ignorer la situation de la compagnie. Quant à l’expérience de la clientèle, je vous laisserai en juger, mais pour ma part, le magasin où je voulais toujours aller dans ma jeunesse n’est plus. Je quitte l’entreprise sans hargne, mais très déçu de voir la situation précaire de mes collègues de travail, pour ceux et celles qui n’ont pas déjà été mis à pied.