Castlemania
The birth of queendom
La scène culturelle de Montréal fleurit avec le début de la saison estivale. Les grandes scènes seront occupées par différents festivals tout l’été. Cependant, la culture englobe beaucoup plus que de grands festivals. La Société des arts technologiques (SAT) est l’hôte de quelques-unes de ces alternatives aux événements majeurs. Castlemania en est un exemple phare. Ce spectacle de lutte, qui a eu lieu le 29 mai 2015, était présenté par la LOLWM (League of Lady Wrestlers Montreal). Pour être plus explicite : Castlemenia était un spectacle de lutte féminine. On pourrait croire que ce genre de spectacle ne s’inscrit d’aucune manière à la culture québécoise, voire même à la culture elle-même. Le cas échéant, on se tromperait complètement. En effet, le spectacle s’inscrivait parfaitement dans la postmodernité et présentait une critique sociale.
Qu’est-ce que la postmodernité?
Pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec ce terme : il est notamment utilisé pour décrire le courant artistique actuel. Un courant artistique se définit comme étant un regroupement des thèmes et de l’esthétique caractérisant l’ensemble des disciplines artistiques d’une période de temps donné. Un courant artistique est hautement influencé par le contexte social de la période donnée. La postmodernité est ce qui est venu après la modernité (sans blague!). Elle peut même être définie comme la « contre modernité » si l’on considère la modernité comme ayant été la recherche du nouveau. La postmodernité recycle ce qui a déjà été fait; elle mélange aussi les genres artistiques entre eux. Elle n’hésite pas à faire des pastiches et même d’insérer des références directes à des œuvres d’un autre courant. On peut prendre comme exemple un spectacle de lutte dans lequel on intègre la musique électronique, le court métrage, la danse et la gymnastique. Cette dernière phrase caractérise parfaitement Castlemania.
Comment ce spectacle s’inscrit-il dans la postmodernité?
Tel que mentionné précédemment, le spectacle est d’abord un mélange de genre flagrant. Le tout commence par une introduction des personnages. Si vous n’avez jamais assisté à un match de lutte ou encore si vous n’en avez pas vu un à la télévision, l’introduction de ces personnages se fait avec une histoire. Celle dont je vous parle commence par l’exposition d’un château où se trouvent toutes les lutteuses. Ce château est montré comme une société isolée dans laquelle les lutteuses peuvent prospérer sans jugement de l’extérieur; un Eldorado de la lutte. Suite à la présentation de ce château, les personnages sont introduits un à un. L’un de ces personnages est la princesse Ula, de son vrai nom Tanya Stasilowitch. Fondatrice de la LOLW, la princesse Ula est présentée comme la meilleure lutteuse de ce monde. Viennent ensuite des combats, car après tout, c’est un match de lutte! Les chorégraphies s'enchaînent d’une belle manière et sont interrompues par la présentation de vidéos que l’on peut considérer comme des courts métrages. Ces vidéos sont directement en lien avec l’histoire qui nous est présentée, notamment l’introduction du personnage « Hipstar », qui se dit le meilleur « Hipster-lutteur ». C’est évidemment l’un des antagonistes dans l’histoire. La princesse Ula finit par le terrasser et par le fait même restaurer la paix au sein de son château. Le spectacle se termine ainsi et on nous laisse avec la musique électronique du duo Noia. C’est égalementce groupe qui performait durant le spectacle pour assurer la trame sonore. Le groupe a aussi fait une prestation durant l’entracte. Un autre mélange était présent tout au long du spectacle, non pas dans les disciplines artistiques, mais bien dans la langue. En effet, les dialogues étaient complètement bilingues, c’est-à-dire que le français ne traduisait pas l’anglais, ni même le contraire. Les deux langues se complétaient. En somme, le spectacle était hors de tout doute un événement culturel qui s’inscrivait parfaitement dans le courant postmoderne.
Exposition de la critique
Le spectacle exposait une critique sociale sous plusieurs aspects. L’un d’entre eux est bien entendu la place de la femme dans la société. Rappelons que le spectacle était présenté par la LOLWM, soit un regroupement de lutteuses féminines. Le message avait clairement une portée féministe, et ce, non seulement par son opposition au patriarcat. Rappelons que nos lutteuses sont les maîtresses de leur château et que ces dernières se battent majoritairement contre des hommes pour défendre leur royaume. Placer des femmes dans un milieu comme la lutte est aussi une opposition au règne des hommes. Vous me direz que des femmes sont présentes dans la lutte américaine. Vous aurez raison, mais est-ce que l’image surfaite et hypersexualisée de femme que la lutte américaine projette est positive? Je vous laisse y répondre. La revendication de la place de la femme était l’aspect primaire de la critique. On retrouvait aussi une critique de certaines multinationales telle Monsanto, avec des références à l’agent orange et aux OGM. L’autre aspect important réside dans la nature même du spectacle. Même si la postmodernité se veut une réadaptation de concepts existants, ceci n’empêche pas l’originalité. De plus, ces femmes ont fait preuve d’une initiative considérable en mettant de l’avant ce projet! La préparation pour l’unique présentation du spectacle s’est étalée sur une année complète.
Pour terminer, le spectacle Castlemania était un événement culturel unique en son genre qui s’inscrivait dans la postmodernité tout en présentant une critique sociale. On ne peut qu’applaudir l’initiative des organisatrices de l’événement et espérer que d’autres spectacles du genre seront produits par le groupe.