L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Deadpool

Mars 2016 » Culture » Par Maxime Guilbault, étudiant de génie mécanique, directeur, L’Heuristique

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Deadpool
Photo distribuée pour utilisation médiatique

Le début du millénaire a coïncidé avec l'effervescence d’un nouveau genre cinématographique. En effet, les adaptations de héros de bandes dessinées s’enchaînent sur les écrans de cinéma. Une des causes de ce phénomène est la réticence d’Hollywood à investir dans des projets originaux. Les studios majeurs préfèrent investir dans des films ayant déjà une fanbase pour s’assurer un profit. On ne peut pas les blâmer, Hollywood est une industrie et non un créateur d’Art. Deadpool est l’un de ces films de superhéros, il prenait l’affiche durant la fin de semaine de la Saint-Valentin. Ce film a été victime d’Hollywood au sens où il a dû attendre plusieurs années avant de recevoir le feu vert de Fox et d’entrer en production. Ce qui paraît complètement absurde à la lumière du succès qu’a connu le film lors de sa première fin de semaine en salle. Le terme succès est presque un euphémisme, car il a battu plusieurs records. De ces records on compte : le film coté R[1] le plus lucratif; et le plus grand profit généré par un film dont le réalisateur en est à son premier long métrage, soit Tim Miller. C’est aussi le film de Fox, basé sur un personnage de Marvel, le plus lucratif domestiquement de même que celui  ayant connu le meilleur début en salle. Illustrons cela avec des chiffres : on parle d’un revenu de 260 millions de dollars américains à travers le monde pour la fin de semaine de la Saint-Valentin. Avec un budget de 58 millions de dollars, c’est tout un retour sur investissement. Cet exploit a été réalisé bien que la Chine ait jugé Deadpool trop inapproprié pour être projeté sur ses écrans, la Chine étant un des trois plus grands marchés cinématographiques.

Plusieurs questions se posent : d’où vient le succès du film? Pourquoi Fox a-t-il attendu aussi longtemps pour donner le feu vert? Le film est-il vraiment bon? Plusieurs aspects donnent des pistes de réponses à ces questions. Ces aspects sont le personnage principal, le dévouement des gens impliqués dans le projet, la campagne publicitaire et probablement l'engouement des amateurs du personnage.

Le personnage

Deadpool, ou de son vrai nom Wade Wilson, est avant tout un antihéros. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le concept, un antihéros est un « héros » dont les actions se situent en marge de la loi. On ne peut donc pas dire que c’est un « gentil », mais ce n’est pas ce qui en fait sa particularité, puisque le cinéma a exploré ce concept à profusion. Ce qui le différencie des autres est le bris du quatrième mur. Encore une fois, pour ceux qui ne connaissent pas ce concept, il tient son origine dans la dramaturgie : le quatrième mur est ce qui sépare l’auditoire de la scène. Dans le cas d’un film, l’écran peut être vu comme ce mur, à la différence d’une oeuvre dramatique où l’action est en direct. Cet artifice est largement utilisé en littérature, mais aussi dans les bandes dessinées. C’est le cas de Deadpool, le personnage s’adresse souvent au lecteur et de plusieurs manières. Par exemple, durant un combat, il prendra une pause pour suggérer une trame sonore à écouter durant la lecture. Ou encore, il révélera des anecdotes sur les auteurs et auteures de la bande dessinée, ou même, il critiquera d’autres. L’adaptation cinématographique de cette particularité est certainement quelque chose d’original pour le genre. Surtout lorsque l’on considère la distribution des droits des personnages de Marvel parmi les studios. Ou même la rivalité entre Marvel et DC comics. En somme, sans être une réinvention du genre, le personnage offre quelque chose d’attrayant.

Publicité

L’une des contraintes de la campagne publicitaire est le budget dont elle dispose. Comme le film disposait d’un budget restreint, il va sans dire que le département publicitaire a subi des contraintes. Ceci n’est pas sans lien avec la cote R qu’a reçu le film, une autre des batailles que les producteurs et productrices ont dû mener. Les gens qui ont orchestré cette campagne ont certainement su en tirer profit, ils ont aussi usé de créativité pour offrir des publicités originales et efficaces malgré le budget restreint. De ces publicités, on compte un profil Tinder pour le personnage, une présentation du film comme une histoire d’amour, des vidéos promotionnelles thématiques et des liens Internet trompeurs. Voici des exemples de ces liens : 45 choses auxquelles les femmes avec des gros seins peuvent s’identifier ou L’histoire vraie à propos du bacon qui va terrifier les nymphomanes. Tous ces éléments montrent que les personnes ayant conçu ces publicités ont compris le caractère du personnage! D’autant plus, des vidéos promotionelles supplémentaires, autres que les bandes-annonces, présentant l’acteur principal en costume on été produites. Ce qui montre l’engagement de Ryan Reynolds pour le personnage. Il était aussi présent au Superbowl en costume pour vendre des chimichangas à l’auditoire! Il est aussi intéressant de mentionner que ce dernier est attaché au projet depuis le début, soit aux environs de 2008. Les publicités montrent aussi à quel point l’équipe de communication a bien cerné son public cible qui se situe probablement entre 15 et 30 ans. Ces derniers passent une grande partie de leur temps sur les réseaux sociaux et sur YouTube (sans oublier Tinder)!

Le film

Deadpool est très divertissant pour diverses raisons. Premièrement, il faut mentionner que la réalisation a utilisé leur classement R à son plein potentiel. Deadpool utilise constamment le mot fuck, des poitrines de femmes sont exposées allégrement et, bien évidemment, il y a suffisamment de décapitations et d’amputations pour rendre Georges Lucas jaloux. Il est très difficile de croire que Fox ait laissé autant de latitude l’équipe de production. Deuxièmement, le film est rempli d’easter eggs en référence à la bande dessinée, notons la fameuse Pool-O-Vision, laquelle plonge le personnage dans des hallucinations. Beaucoup de références, ou même de présences en tant que figurants et figurantes, des créatrices et créateurs de la bande dessinée. Mentionnons le caméo de Stan Lee; sans révéler quoi que ce soit, disons qu’on ne s’attend pas à le voir là! Ce qui m’amène à troisièmement, le film se parodie lui-même constamment, et par le fait même, le genre dans son ensemble. Le bris du quatrième mur est constant, cet élément de style est tellement bien utilisé que la narration devient elle aussi un bris de quatrième mur. Et finalement, le film est hilarant, et ce, par les références populaires qui pleuvent, les situations cocasses qui s’enchaînent, ainsi qu’une exécution du dialogue impressionnante.

Tout cela fait que le film livre ce qu’il promettait, quelque chose d’original situé à même le genre. On peut lui reprocher l’usage excessif de CGI[2] et son fast-pace editing dans les scènes de combats, ce qui peut être expliqué par le budget limité. On peut aussi souligner le scénario complètement cliché. Beaucoup de fleurs peuvent être lancées au film pour diverses raisons, mais il n’en demeure pas moins une autre origine d’héros… Ces défauts ont peu d’effets sur l’oeuvre dans son ensemble parce que chacun de ces défauts est compensé par ses réussites. Outre les aspects mentionnés précédemment, on trouve aussi une représentation visuelle des personnages fidèle au matériel source. Personnellement, je place Deadpool dans mes trois meilleurs du genre.

Pour conclure, la suite du film a été confirmée, les scénaristes Rhett Reese et Paul Wernick (Zombieland) seront de retour ainsi que Tim Miller et Ryan Reynolds. Il reste à voir si Fox donnera une carte aussi blanche à cette suite…

[1] Visionnement restreint : les jeunes de moins de 17 ans requièrent l'accompagnement d'un parent ou d'un adulte en ayant la tutelle.

[2] Effets spéciaux numériques (Computer-generated imagery)

 
Deadpool
Photo distribuée pour utilisation médiatique