L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Tirer profit d’Énergie Est

Janvier 2015 » Environnement » Par Jean-François Thibault, étudiant de génie électrique, resp. des conférences midi ÉTS sur les enjeux énergétiques

Le 23 novembre dernier, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, Monsieur Gabriel Nadeau-Dubois a fait tout un coup d’éclat. Lauréat du prix du Gouverneur général pour son livre Tenir tête, il a annoncé lors de l’émission qu’il remettait sa bourse de 25 000 $ à la campagne « Coule pas chez nous », une « campagne de sensibilisation citoyenne » qui s’oppose aux différents projets de pipelines au Québec. La campagne « Doublons la mise », où l’ancien porte-parole étudiant invitait la population à donner de l’argent afin de doubler son don, a surpassée toutes les attentes en récoltant 385 330 $. Monsieur Nadeau-Dubois s’est dit « surpris, ému et inspiré par la réponse » à son appel. Son souhait est maintenant que l’argent récolté se transforme en « énergie militante concrète » permettant de « bloquer » le projet Énergie Est qu’il qualifie de « dangereux ». Or, bien que certains éléments du projet Énergie Est soulèvent des inquiétudes légitimes, qualifier le projet dans son ensemble de « dangereux » relève de l’exagération.

Les pipelines sont sécuritaires

Dans les faits, les pipelines sont des moyens sécuritaires de transporter des hydrocarbures. Selon les données de l’Office national de l’énergie sur les ruptures de pipelines réglementés remontant jusqu’à 1992 (mises à jour le 17 mars 2014), aucun bris d’oléoduc appartenant à TransCanada n’aurait causé de déversement de brut. De plus, le sommaire statistique des événements de pipeline 2013 du Bureau de la sécurité des transports du Canada indique, en moyenne, qu’il se produit l’équivalent de moins de neuf accidents par année. Qui plus est, les impacts de ces accidents sont souvent localisés et de relative petite ampleur. Aussi, depuis 2004, seuls quatre événements ont réellement causé des dommages environnementaux. Pourquoi donc ne pas tenter, plutôt que de strictement s’opposer au projet Énergie Est, d’en tirer le maximum d’avantages tout en cherchant à minimiser ses impacts négatifs? TransCanada souhaite « démarrer une nouvelle discussion sur Énergie Est » : profitons-en. De plus, les lacunes du projet sont tout à fait rectifiables.

Des lacunes rectifiables

Concrètement, deux lacunes empêchent le projet Énergie Est d’atteindre l’acceptabilité sociale, pour l’instant. La première est le choix du site de Cacouna pour la construction de son terminal pétrolier. Il apparait évident que TransCanada devra trouver un autre endroit. Les promesses de création d’emplois constituent un argument bien faible à côté de celui de l’extinction potentielle de l’emblématique béluga du Saint-Laurent. La solution ne sera pas simple et exigera, fort probablement, un changement du tracé de l’oléoduc. La deuxième lacune concerne la fameuse question des approvisionnements gaziers. En effet, le Réseau Principal de l’Est, projet proposé afin d’amoindrir les effets du projet Énergie Est sur les approvisionnements gaziers de l’Est du Canada, ne semble pas être satisfaisant dans sa forme actuelle. S’entendre avec les distributeurs gaziers, afin de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde, devrait figurer au sommet des priorités de TransCanada. Son projet arrivera difficilement à trouver d’autres appuis s’il n’a pas d’abord l’appui du milieu des affaires québécois, c’est le moins qu’on puisse dire.

Un momentum à saisir

Régler ces deux lacunes n’est pas une mission impossible et rapprocherait substantiellement le projet Énergie Est de l’acceptabilité sociale. La solution la plus simple serait que TransCanada prenne elle-même les devants pour régler la situation. Il lui reste beaucoup de chemin à faire, mais il serait malhonnête d’affirmer que son attitude ne s’est pas améliorée, depuis les dernières semaines. Il y a donc un momentum à saisir. Le Québec doit chercher à tirer profit du projet Énergie Est; pas à le bloquer.