L'Heuristique: Journal des étudiants de l'ÉTS

Midi conférence – Le défi de la politique énergétique du Québec

Février 2014 » Environnement » Par Jean-François Thibault, étudiant de génie électrique

Le 29 octobre dernier avait lieu, à l’ÉTS même, un midi conférence sur les enjeux énergétiques. Le conférencier était Monsieur Pierre-Olivier Pineau, économiste et expert des questions énergétiques des HEC Montréal. La mise en contexte de la conférence allait comme suit :

La nouvelle politique énergétique du Québec aura notamment pour objectif de réduire les gaz à effet de serre (GES) et favoriser l’efficacité énergétique. Si le marché du carbone mis en place par le gouvernement du Québec permettra [sic] de réduire de 20 % les émissions de GES d’ici 2020, l’impact financier de ce nouveau marché est sans doute sous-évalué. En effet, avec le secteur du transport représentant 45% des émissions totales du Québec, il sera incontournable d’y réduire la consommation. Comme ce secteur évolue très lentement, le choc à la pompe, pour diminuer les ventes, risque d’être grand : de 20 à 30 ¢/litre en plus d’ici 2020, directement lié au marché du carbone. Par ailleurs, il est quasi-impossible de faire progresser l’efficacité énergétique dans le secteur électrique dans un contexte de bas prix... or c’est ce qui caractérise le Québec, un bas prix de l’électricité. Comment faire accepter à la population de payer plus cher? C’est le défi des six prochaines années pour le monde énergétique québécois.

Pour agrémenter le tout, un repas était même fourni aux personnes présentes; une gracieuseté du Fonds de Développement Durable de l’AÉÉTS.

Un petit résumé

La structure de la conférence était fort simple : le conférencier passait en revue les six objectifs de la politique énergétique gouvernementale à venir, les analysant chacun séparément, pour en tirer une conclusion pour chacun d’entre eux. Rappelons que les six objectifs de la politique énergétique gouvernementale à venir sont les suivants :

  1. Réduire les émissions de gaz à effet de serre;Utiliser les surplus d’électricité pour accentuer l’électrification des transports et développer l’industrie;Favoriser l’efficacité énergétique dans tous les secteurs et pour toutes les sources d’énergie pour le développement des régions;Miser sur la production d’énergies renouvelables (hydroélectricité et éoliennes) et développer les énergies renouvelables émergentes (hydrolienne, solaire passif, géothermique, etc.) en favorisant le développement et l’innovation;Explorer et exploiter de façon responsable les réserves d’hydrocarbures du territoire et valoriser cette ressource afin d’enrichir tous les Québécois;Assurer à long terme la sécurité et la diversité des approvisionnements énergétiques du Québec.

Analysant principalement l’aspect économique des différents objectifs, Monsieur Pineau a vite présenté l’incitatif du prix comme déterminant pour la réussite de deux d’entre eux, c’est-à-dire la réduction des gaz à effet de serre par la mise en place d’une bourse du carbone et la mise en place de chantiers d’efficacité énergétique. Il a martelé que sans l’incitatif du prix, c’est-à-dire l’introduction du principe de l’utilisateur-payeur, aucun de ses objectifs ne serait atteint. De plus, il en arrivait à la conclusion que trois des quatre autres objectifs du gouvernement étaient inutiles, soit l’électrification des transports, la production d’énergies renouvelables et la sécurité énergétique. L’électrification des transports serait inutile, selon lui, car cette stratégie n’améliorerait pas la fréquence, la rapidité, la ponctualité, ni le confort du transport individuel. La production d’énergies renouvelables serait aussi inutile, car le Québec est en situation de surplus énergétique. Aussi, l’objectif de sécurité énergétique serait inutile, car le Québec ne souffrirait déjà pas d’insécurité énergétique. Finalement, le conférencier s’est montré ouvert à la production d’hydrocarbures à condition que leur exploitation ne mine pas les objectifs québécois de réduction de gaz à effets de serre.

Critique

Malgré une conférence bien documentée et précise de la part de Monsieur Pineau, il est possible d’argumenter sur certains points, le principal étant celui sur l’électrification des transports. À ce propos, le conférencier a surtout mis l’emphase sur le transport individuel en plus de considérer l’électrification des transports dans son ensemble comme partie intégrante de la politique énergétique gouvernementale à venir. Il est important de spécifier que la stratégie d’électrification des transports, en plus d’être une stratégie souhaitant accroître le respect environnemental du développement énergétique québécois, est une stratégie de développement économique. L’objectif économique de cette stratégie est bien évidemment de développer un créneau d’excellence pour le Québec et non pas simplement d’améliorer le transport individuel. En effet, une partie importante de la stratégie d’électrification des transports est le transport collectif. Par exemple, la stratégie inclut la construction d’un monorail suspendu rapide, écologique et rentable qui viendra littéralement changer le visage du transport au Québec.

De plus, il est faux de prétendre que cette stratégie ne comporte aucun avantage individuel. En effet, elle permet une plus grande liberté de choix – il est d’ailleurs surprenant qu’un économiste d’influence libérale comme Monsieur Pineau ait fait abstraction de ce point. Le gouvernement mise, entre autres, sur l’installation de bornes de recharges afin de faciliter l’utilisation, en ville comme en région, de la voiture électrique. Jumelé à un crédit d’impôt de 8 000 $ pour l’achat d’une voiture électrique, cela permettra à tout automobiliste d’avoir davantage de choix lorsque viendra le temps de choisir un modèle de voiture, celui-ci pouvant maintenant recharger sa voiture soit au pétrole, soit à l’électricité, soit aux deux!

En résumé, le conférencier n’a mis de l’avant que l’aspect individuel du transport pour tirer une conclusion erronée par rapport à la stratégie d’électrification des transports. Cette stratégie en est plutôt une de développement économique. Elle saura propulser le Québec à l’avant-garde du transport électrique qui sera, espérons-le, une niche d’excellence québécoise comme l’est devenue la production d’énergie hydroélectrique lors de la Révolution Tranquille.

En conclusion

Cette conférence a donc proposé un très bon survol des différents objectifs de la future politique énergétique gouvernementale. En terminant, il est important de spécifier que cette conférence faisait partie d’une série de midi conférences sur les enjeux énergétiques qui ont eu lieu à l’automne 2013. Il est à noter que cette série de midi conférences se poursuivra tout au long de la session d’hiver 2014. Vous êtes donc invités, chers lecteurs et lectrices, à rester informés des annonces des différentes conférences qui seront publiées dans l’Interface et affichées à différents endroits dans l’École.